Bully Busters est un jeu de rôle éducatif ayant pour objectif de favoriser la lutte contre le harcèlement scolaire. Ce jeu est né d’un constat : de nombreuses initiatives pertinentes sont diffusées dans les établissements mais les équipes pédagogiques d’un établissement peuvent manquer d’outils pour aborder concrètement la question avec leurs classes et leurs élèves. Résultat, les élèves entendent chaque année parler du harcèlement mais traitent trop rarement des moyens de s’y opposer.
On pourrait s’étonner de l’idée de faire un jeu d’un phénomène aussi grave qui touche 5% des collégien⋅nes en France [1] et qui peut avoir des conséquences désastreuses. Le jeu ne fournit pas un « mode d’emploi » de lutte contre le harcèlement et ne caricature pas non plus des situations de harcèlement avec légèreté pour s’en amuser. En utilisant les qualités inhérentes à la pratique du jeu de rôle, Bully Busters aide les élèves à développer de l’empathie dans des situations variées et ludiques. Plus académiquement, il permet aussi de faire connaître aux élèves-joueur⋅ses l’ensemble des acteur⋅rices de la lutte contre le harcèlement scolaire au sein des établissements scolaires et en dehors.
[1] Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école : résultats de la grille d’auto-évaluation des élèves, Note d’Information n° 25-43, juillet 2025, consulté le 3 novembre 2025 :
https://www.education.gouv.fr/journee-nationale-de-lutte-contre-le-harcelement-l-ecole-resultats-de-la-grille-d-auto-evaluation-450747
À l’origine, un jeu conçu pour créer un manga
Imaginez une réunion d’un club manga de collège, dans un CDI de Seine-Saint-Denis. Un groupe d’élèves âgé⋅es entre 11 et 14 ans, passionné⋅es par la culture manga, est en train d’échanger leurs idées pour créer leur manga. Les idées fusent, les références volent… Pour contraindre la créativité et construire une narration commune, le jeu de rôle est une expérience intéressante : les différent⋅es participant⋅es jouent au jeu, inventent ainsi l’histoire ensemble, la détaillent en story-board, puis la dessinent pour en faire un manga.
Bully Busters n’est pas le premier univers manga à se dérouler dans un cadre scolaire ou à aborder la question du harcèlement scolaire : les titres qui ont inspiré cet univers sont, entre autres, le manga Assassination Classroom, La méthode du détective Imamura, ou encore le jeu vidéo Persona 5.
Le cadre scolaire et la thématique du harcèlement ont immédiatement plu aux élèves membres du club manga qui se sont investis pour rebondir sur l’univers, les personnages et les ressorts narratifs proposés au cours de la partie. Par le jeu, ils ont donc créé de cette manière leur propre histoire (le manga lui, est encore en état de story-board).
Un jeu de rôle à narration partagée
Dans ce jeu, le rôle du⋅de la meneur⋅euse de jeu n’est pas de dérouler un scénario pré-conçu et de faire “autorité” sur les autres joueur⋅euses. Il n’y a pas de scénario à faire suivre et de défi pré-établi à relever.
Le⋅a meneur⋅euse de jeu incarne des personnages, avec des caractéristiques et des motivations bien établies qui vont agir et faire réagir les personnages incarnés par les joueur⋅euses autour de la table. L’histoire naît des relations entre les personnages et de l’intervention dynamique des personnages joués par les élèves. Il existe ainsi d’innombrables manière de conclure une même partie. De plus, tout le monde peut faire des propositions pour enrichir l’histoire, pour ajouter un peu de « fluff » issu de références culturelles japonaises ou pour évoquer un sujet spécifique lié au harcèlement.
Deux inspirations importantes
Rares sont les jeux de rôle qui proposent un univers et une mécanique sans s’inspirer d’œuvres précédentes.
La construction des Situations du jeu Bully Busters s’inspire du jeu Dogs in the Vineyard de Vincent Baker. Ses mécaniques de résolution en cas de conflit s’inspirent du jeu Démiurges de Frédéric Sintès, lui-même inspiré du premier. Dans ces deux jeux, les joueurs sont encouragés à « plaider pour leur personnage »[1], à imaginer son comportement dans une telle situation, ce qui les rend particulièrement « vivant » et permet d’aborder rapidement des dilemmes moraux.
[1] “Mode Auteur” et “Plaider pour son personnage” #1, Frédéric Sintès sur son blog Limbic Systems, consulté le 3 novembre 2025.
Fonctionnement général du jeu
Dans Bully Busters, les élèves incarnent des collégiens japonais recrutés par une société secrète, la BB Academy. Cette dernière les forme à la détection de situation de harcèlement scolaire et à la manière dont évoluent ces situations avec un élément central, la Cascade du Harcèlement, qui comporte cinq stades :
· au stade 1, un⋅e élève subit des moqueries, en apparence anodines.
· le stade 2 est atteint lorsque ces moqueries deviennent répétées.
· au stade 3, ces moqueries répétées ont pour conséquence une exclusion du reste du groupe.
· le stade 4 présente l’aggravation de cette exclusion, qui se caractérise par des humiliations et des violences.
· le stade 5 correspond aux conséquences aggravantes du harcèlement : dépréciation de soi, dépression, déscolarisation, pensées suicidaires et tentatives de suicide.
Nos héro⋅ïnes sont donc les Bully Busters, formé⋅es pour détecter cette cascade et intervenir. Iels sont ensuite envoyé⋅es en mission dans des collèges, se font passer pour de nouveaux élèves et interviennent face aux situations auxquelles iels assistent.
L’intérêt du jeu est que les élèves qui jouent à ce jeu doivent eux-mêmes inventer leurs initiatives pour mettre fin aux actes de harcèlement dont ils sont les témoins et rendre la justice. Il s’agit ainsi d’un jeu avec un questionnement central : comment rendre la justice ?
Le jeu donne une importante capacité d’action aux personnages : ces derniers sont des héros de manga shonen, un genre qui privilégie l’action et l’aventure. Ils peuvent donc se lancer dans différents types de Confrontation plus ou moins violentes : la discussion, l’acrobatie, la bagarre et la « provoc’ », aussi appelée « la bagarre du verbe », qui peut blesser autant qu’un coup de poing. Très vite, les élèves se rendent compte qu’une méthode qui consisterait à chercher à rendre soi-même la justice est une impasse : les violences s’accumulent, la personne victime de harcèlement est de plus en plus isolée. C’est à ce moment là que les Bully Busters peuvent faire appel aux personnes ressources du collège pour que ces derniers les aident à prendre en charge la situation problématique.
Cette fin plus ou moins guidée en fonction des meneur⋅euses de jeu permet d’aborder une question trop peu abordée en sensibilisation au harcèlement : une fois qu’une situation de harcèlement est rendue publique, comment l’intervention des adultes peut-elle y mettre fin ?
Informations pratiques
Le jeu est destiné à un public collégien, idéalement pour des parties d’environ trois heures et un groupe de joueur⋅euses de 3 à 12 élèves. Une version 2.0 est en cours d’élaboration. Elle vise à simplifier la prise en main du jeu pour réduire le temps de jeu minimum et pour permettre à un enseignant de faire jouer plusieurs tables en semi-autonomie (sans meneur⋅euse de jeu fixe), de façon à pouvoir l’utilisation dans une configuration de classe plus classique.
La version numérique du jeu est téléchargeable via ce lien (à prix libre) sur ITCH.IO.
La version papier du jeu peut être commandée ici (prix unitaire : 10€ sans les frais de port) sur LULU.




