Amadou présente : Barbarians Of Lemuria

Les lectures rôlistique d’Amadou

Samedi, fin de soirée, dans une véranda mal isolée, autour d’une table couverte de bières, chips, pizza et de tomates cerises.

– MJ debout, en mode exalté – « La salle du trône parait immense mais elle est surtout vide. Seul le roi vieillissant et ses deux gardes l’occupent. Il est loin le temps où la cour paradait en ces murs. Ils vous regardent entrer tout couvert de sang et de sueur. Que faîtes-vous ? »

– PJ le regard tout aussi exalté – « Oh, majesté, vous avons vaincu le grand dragon qui terrorisaient vos sujets. Voici en trophée la tête du monstre : Votre fils ainé est vengé ! » et là, je brandis la tête du dinosaure qu’on a buté pendant qu’il dormait.

– MJ, toujours dans son exaltation « le vieux roi semble recouvrir un peu d’énergie, son regard s’illumine, ses mains se posent sur le trône et… »

-Autre PJ, qui ne prend pas le temps de poser sa part de pizza « Alors, j’ai un niveau de prostitué, un autre de traine-savate, j’ai été un peu marchand et là, je suis barbare. Y a moyen de que fasse un test de baratin pour lui dépouiller son trésor ? »

 

Quoi qu’on en dise, le JdR est d’abord un loisir de lecture, et un JdR est surtout un livre. C’est même le cœur du travail de maître de jeu : lire, comprendre et s’immerger. 

Lire un livre de JdR pour moi n’est pas une lecture comme les autres : difficile de se lancer dans une autre lecture après. Des idées, des images et des émotions me traversent. J’ai envie de les partager, avec vous. 

 Dans cette chronique, je vous propose le compte rendu d’une lecture d’un ouvrage de JdR en 4000 caractères environ : plaisir de lire, immersion dans les illustrations et sentiments à la lecture. 

 Mon but : poser en quelques mots ce que provoque la lecture d’un livre de JdR. 

 

 

LE PRODUIT

Barbarians Of Lemuria (BoL), le jeu de rôle Sword and Sorcery, 1e édition en décembre 2016 ; 5e novembre 2020, Ludosherik Editions.

 

Fiche du GroG | Site de l’éditeur

 

PITCH

Réveillez le barbare qui sommeille en vous ! », ce n’est pas de moi, c’est écrit sur la 4e de couv’

 

Dans un continent oublié, et oubliable, des aventuriers ; barbares, monte-en-l’air et autres mercenaires sanguinaires ; écument les souterrains, les ruines, les jungles et les auberges pouilleuses pour la gloire et la joie de dilapider leur butin en attendant une mort digne ou humiliante mais forcément mémorable ! Des aventures épiques, haute en couleur, des face à face avec des rois sorciers nécromants forcément maléfiques et libidineusement démoniaques ; le tout dans une ambiance délicieusement et régressivement kitch.

 

 

ON JOUE QUOI ?

« Les héros se construisent vite pour aller défourailler au plus tôt ! »

C’est un système de création simple et original que nous propose le jeu. N’allez pas chercher des « classes » figée comme dans le plus vieux des jeux de rôle, mais choisissez des « parcours de vie ». C’est la grande force du jeu : choisir parmi une liste qui fait rêver une série de carrière qui orientent vers des avantages, des désavantages et feront office de « compétences ». Pour faire simple, quand une action (autre que casser des dents) est entreprise, le joueur peut tenter de baratiner le MJ pour le convaincre qu’elle entre dans une des carrières choisies. Il y obtiendra un bonus.

Ensuite, plusieurs origines géographiques sont proposées, toutes facilement imaginables car très « stéréotypées » : barbares nordiques du Valgard ; mafieux d’Urceb ; pirates des îles du Crâne. Les plus audacieux peuvent se tenter sur les exotiques du jeu : géant céruléen, homme primate Grooth ou Kalukan (créature à œil unique utilisée comme esclave par les rois sorciers).

Bref, de quoi construire son traine-lame avec quelques croisements d’idées, de qualité et de défaut ; saupoudrés de quelques caractéristiques. Les héros se construisent vite pour aller défourailler au plus tôt !

 

DANS LE CAMBOUI

« Simple comme un grand coup d’épée dans la poire ! »

Ce jeu, c’est du « fast and furious » en JdR. Les règles s’expliquent en quelques pages. On roule 2d6 en y ajoutant des bonus de caractéristiques, d’avantages et d’objets. Si cela fait plus de 9, ça passe ! C’est simple comme un grand coup d’épée dans la poire ! La fiche est facile à prendre en main : quatre attributs (Vigueur, Agilité, Esprit, Aura) ; quatre aptitudes de combat (Hey, on est là pour la Bagarre ou pas !) puis les divers traits qui donnent des avantages ou des désavantages.

Les carrières définies lors de la création permettent d’orienter les compétences que maîtriseraient le personnage. Rien n’est précis, le but est de favoriser la description ou la négociation entre MJ et joueur. Ensuite, le livre déroule des tables et des descriptions pour aider aux choix des armes et armures nécessaires à l’élagage de la monstrueuse faune locale.

Des sous-systèmes proposent des batailles et des affrontements entre navires et nef volante mais j’avoue avoir été moins convaincu : ils sont par contre très immersifs dans le cadre de l’univers fixé par les auteurs.

 

PLAISIR DE LECTURE

« Comme un comic book, ça se lit vite avec un sourire coupable »

Une autre des grandes forces des auteurs est de proposer un livre rapide à lire et à comprendre. De petits paragraphes, des descriptions ciselées, des blocs de règles simples. Les descriptions des géographies du monde et des monstres suivent le même principe. Ok : ne cherchons la densité d’un univers profond avec de multiples enjeux. J’ai l’impression d’être à la hauteur du personnage que je joue : qui va se soucier des manigances de la politique locale quand une bourse pleine d’or s’échoue sur la table d’une auberge de marin… En fait, ça se lit comme un comic book : ça se lit vite avec un sourire coupable. Il y pourtant des éléments d’univers plantés dans cette Lémurie. L’univers vit autour des personnages qui ne font que le traverser tels des étoiles filantes.

 

PLAISIR DES YEUX

« C’est beau et c’est fluide. J’ai eu l’impression de retrouver les « Savage Sword of Conan » de ma jeunesse ».

Pour l’art, le talent d’Emmanuel Roudier se déchaîne. Des barbares musculeux, des jeunes filles ténébreuses, des monstres moches et pleins de dents sont croqués dans des situations délicieusement régressive. L’impression de feuilleter un comic book est renforcé par l’édition en couverture souple et le noir et blanc. Ce qui est encore plus agréable, c’est de voir comment les auteurs se jouent eux-aussi des codes du genre Sword And Sorcery.

Le livre est simple et beau. Pas d’illustrations fortes, mais des croquis, des scénettes, des personnages immersifs. Une galerie de PnJ ou des inspirations de PJ sont nombreuses. C’est beau et c’est fluide. J’ai eu l’impression de retrouver les « Savage Sword of Conan » de ma jeunesse. BoL est une belle leçon de chose : on peut faire du beau sans en mettre pleins les yeux.

 

ALORS ? BIEN OU BIEN ?

 

 Oui, on parcourt le livre avec un bon gros sourire et on s’imagine déjà envoyer ses porte-épées, baptisés de nom multipliant les K et les R, massacrer des légions de monstres déchainés. Le contrat est rempli : Fast and Furious. Les carrières proposent une idée super intéressante et facile à mettre en œuvre. Le jeu se prête à du homebrew : déjà en le lisant, j’imagine des possibilités de modulation.

Quelques bémols cependant apparaissent. La simplicité du système ne laisse pas entrevoir de longues sagas avec des évolutions visibles des personnages. La magie est très ouverte et difficile à utiliser pour les joueurs. C’est là un choix des concepteurs : la magie, c’est les méchants et dans les livres/BDs Sword and Sorcery, les héros évoluent peu : ils empilent les épreuves et les combats jusqu’à la prochaine auberge. A titre indicatif, des fans ont conçu un système de magie accessible aux joueurs facilement trouvable sur internet.

 

CONCLUSION

Un grand coup de chapeau à l’équipe constituée pour Ludosphérik. BoL est un jeu rafraîchissant qu’on parcourt avec un plaisir coupable et qui offre des perspectives de parties endiablées à partir de scénarios écrit sur un post-it. Et histoire de me faire encore plus plaisir, le livre propose des scénarios clés en main ainsi qu’une campagne épique.

En rêvant d’autres univers adaptés sur le même concept…

 

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Écrit par Sébastien Fajal

Professeur certifié de l'enseignement secondaire
Animateur de Club de Jeux de rôle
Auteur chez Casus Belli Magazine
Auteur chez d1000etd100

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