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Amadou présente : DONJONS ET CIE

Les lectures rôlistique d’Amadou

Quoi qu’on en dise, le JdR est d’abord un loisir de lecture, et un JdR est surtout un livre. C’est même le cœur du travail de maître de jeu : lire, comprendre et s’immerger. 

Lire un livre de JdR pour moi n’est pas une lecture comme les autres : difficile de se lancer dans une autre lecture après. Des idées, des images et des émotions me traversent. J’ai envie de les partager, avec vous. 

Dans cette chronique, je vous propose le compte rendu d’une lecture d’un ouvrage de JdR en 4000 caractères environ : plaisir de lire, immersion dans les illustrations et sentiments à la lecture. 

Mon but : poser en quelques mots ce que provoque la lecture d’un livre de JdR. 

 

– MJ : Mené par le lumineux Paladin d’Ambre, les aventuriers/clients entrent dans la salle et s’avancent pour ouvrir le tombeau, le trésor à portée de main !

– PJ 1 : On est tranquille, le piège va se déclencher et on profite du chaos pour leur tomber dessus et les découper ! Super plan les gars !

– MJ : Un déclic retentit… puis rien. La machination n’a pas fonctionné et les aventuriers/clients sont devant un tombeau vide avec un message étrange « à destination du service entretien : le piège dysfonctionne ».

– PJ 1 : Ok, on est mal ! J’utilise une de mes faveurs : j’ai une #liaison avec #Roger du service entretien et l’autre nuit, il m’a dit que les pièges avaient une sécurité manuelle. Je peux l’utiliser ?

– MJ : Accordé, tu te glisses vers le mur et active le piège : le sol s’ouvre et les clients s’empalent sur les piques dissimulées. Il ne reste qu’à les achever et récupérer les objets : une bonne journée de travail !

– PJ 2 : nan, ce n’est pas fini. Au moment où le sol se dérobe, je pousse PJ 1.

-PJ 1 : Mais, pourquoi ?!?!

– PJ 2 : Regarde dans mon organigramme : je suis le mec de #Roger… »

 

 

LE PRODUIT

« Donjons et Cie » ; par Ben Felten ; édité par Black Book Editions et John Doe éditions ; février 2022 ; 160 pages format A5.

 

 

 

 

PITCH

 Survivre aux aventuriers justiciers puis échapper aux pièges tendus par vos « collègues » à la machine à café : quelle est la pièce la plus dangereuse ?

 

 

Vous connaissez les donjons, vous les avez arpentés de multiples façons en étant aventuriers. Ce que vous ne savez pas, c’est que le Donjon est une vaste entreprise, une corporation entièrement dédiée à l’accumulation des richesses pillées sur les « clients » : les aventuriers malchanceux. Les différentes salles ne sont que des décorums scénarisés montés pour les éliminer. Et pour intervenir quand un grain de sable enraye l’engrenage, il y a vous : les employés ou hôtes d’accueil ou cogneurs. Mais Le Donjon est plus que cela, c’est une entreprise totalement malsaine : avec un organigramme et des RH qui poussent à poignarder vos partenaires pour améliorer votre poste. Bref, enchaînez les missions pour retrouver des aventuriers égarés dans le donjon et survivez aux chausses trappes qu’ont glissé vos « collègues » en entrant au réfectoire.

 

ON JOUE QUOI ?

 

 Il faut choisir son bonhomme en le définissant par des « traits », sous forme de mot clé (ou mot dièse) : #bonneidée !

 

Vous pouvez jouer TOUT ce que vous voulez, avec quelques restrictions : rien de trop grand car il faut pouvoir passer dans les couloirs du donjon et rien de trop puissant. Vous êtes tous des employés au bas de l’échelle sociale. Par contre, ne cherchez pas une liste avec des blocs statistiques précis des monstres. Rien de tout cela. Le système de jeu puise dans les meilleures idées de l’OSR, cette mouvance de règles qui dépoussière les modes de jeu générique des débuts du JdR. Pour cela, le jeu se base sur un système de mot clé (ou mot dièse). En accord avec le MJ et les autres joueurs, votre personnage est défini par deux traits, l’espèce en étant un. Il faudra donc s’entendre sur les qualités que vous voulez mettre derrière « nain », « orc » ou « tentaculaire ». C’est un peu déstabilisant, surtout pour un novice ou débutant en jeu de rôle. D’expériences au collège, je sais que plusieurs jeunes joueuses et joueurs n’ont pas forcément les « codes » de la fantasy. Il faudra un peu d’explication mais il faut rendre à César ce qui lui appartient : les croquignolesques illustrations de Laeticia « NydenLafée » facilitent énormément l’appropriation des créatures. Cependant, pour le joueur averti, c’est très rafraîchissant.

Attention, vous êtes plus qu’un simple hôte « machine à baffe » dans les couloirs du donjon. Vous êtes un employé avec tout ce que cela suppose de vie collective dans une entreprise « brazilienne ». A la création, votre groupe détermine des supérieurs, collègues de travail, subalterne. On réutilise les bonnes idées précédentes : des mots clés, des relations (ami, concurrent, neutre…), des dettes et/ou des retours d’ascenseurs et hop ! Chaque avant (ou après) mission devient le théâtre des relations complexes dans l’entreprise où chacun va tenter de tirer la couverture à lui pour être employé du mois ; échapper aux empoisonnements et pièges tendus par des « collègues ».

 

 

DANS LE CAMBOUI

 

L’objet a un rôle à jouer dans l’histoire, l’usure des objets et des talents engendre des galères et des rebondissements. Bref, toutes les mécaniques de jeu, rapide et simple, vont dans le sens des aventures de vos pied nickelés.

 

Le système puise avec bonheur dans l’inspiration OSR en récoltant les excellentes idées du Macchiato Monsters d’Eric Nieudan. Pour faire simple : les personnages ont six caractéristiques (Force, Constitution, Dextérité, Intelligence, Sagesse, Charisme). Un score entre 0 et 20 fixe la maîtrise. Le joueur roule son d20 et tente de faire moins pour réussir. L’usage des traits déterminés à la création permet de comptabiliser un avantage et de rouler deux d20 ! L’ensemble fonctionne à merveille et il faut garder en tête que l’auteur veut conserver cette simplicité et la rapidité de résolution des actions. Ok, on est dans un donjon mais on n’est pas dans Donjon !

La grande idée du jeu, du genre que je veux recycler pour le jour où je dois créer mon jeu, c’est le dé d’usage. Du génie ! L’équipement, les capacités limitées et certains pouvoirs ont un dé d’usage, décrit par un delta Δ.

Ce delta indique un type de dé : Δ12 ; Δ6… Lorsqu’un personnage utilise un de ces objets ou pouvoirs, il roule le dé indiqué. En cas de résultat de 1, 2 ou 3, l’objet épuise une utilisation et le delta diminue d’un rang (Δ12, Δ10, Δ8, Δ6, Δ4). Arrivé à Δ4, l’objet s’épuise. Qu’en dire, sinon que c’est EXCELLENT ! Cette petite mécanique donne à l’objet un rang particulier : plus que le simple mot griffonné au crayon sur sa fiche et oublié deux minutes après. L’objet a un rôle à jouer dans l’histoire, l’usure des objets et des talents engendre des galères et des rebondissements. Bref, toutes les mécaniques de jeu, rapide et simple, vont dans le sens des aventures de vos pied nickelés.

Une petite mention sur la magie : elle fonctionne sur le même principe avec ces traits et dés d’usages. Les sorts doivent être définis par des mots clés et par un coût, payable par des focus (objet soumis au dé d’usage) ou des points de vie (encore une bonne idée). Si cela s’inscrit dans l’ambiance générale du jeu, il faudra, là aussi, des joueurs ou des maîtres de jeu avec un peu de bouteille pour cadrer ces pouvoirs et éviter de les rendre inutiles ou surpuissants.

 

 

PLAISIR DE LECTURE

 

Une lecture rapide, des règles simples et le cadre d’un univers posé : ça se lit vite et ça peut se jouer dans la soirée.

 

160 pages, c’est déjà lu. Les points de règles sont rapidement expliqués puisque la grande partie de la création et de la narration viennent des joueuses et joueurs. L’auteur y explique la base, distille quelques exemples et pose le cadre de son univers. L’humour « pince sans rire » est très présent. Les codes déformés du monde de l’entreprise sont utilisés : les aventuriers en quête de gloire sont des « clients », les salles de donjons des « aires d’accueil », vos personnages casseurs de genoux sont des « hôtes d’accueil » ; les différents services cloisonnés du donjon ont des noms tellement évocateurs comme la « mercatique, les relations humaines… ».

 

Mais du coup, le lecteur est un peu frustré : j’ai eu très envie d’en lire un peu plus sur cette entreprise, son fonctionnement, ces lieux clés (hors aire d’accueil à visiter). En fait, l’auteur a posé sa boîte à lego avec quelques idées sur comment les assembler et il vous laisse le reste. C’est sûr, avec ce système tirant à 100% sur le « théâtre de l’esprit », aucune équipe ne ressemblera à celle de la table d’à côté.

Cette simplicité avec laquelle l’auteur décrit les règles lui permet de proposer plusieurs scénarios pour envoyer au casse-pipe vos employés. Ils sont tous très marrant et jouent bien sur les codes de l’univers.

 

PLAISIR DES YEUX

 

Affiches, slogans, publicités, panneaux syndicaux, têtes de pied nickelés et cartes style OSR : l’art du livre est parfaitement au service de l’ambiance du jeu.

 

C’est beau et c’est mignon ! Les illustrations drôles et simples croquent parfaitement cet univers décalé. Les personnages ont des bouilles à la fois moche et mignonne : de vraies têtes de looser ! Les codes du plus anciens des jeux de rôle sont réutilisés mais vu du côté « méchant ». Ensuite, c’est un vrai plaisir que de croiser les affiches, slogans et publicités à destination des employés du Donjon : employeur inclusif, fiche de recrutement, panneau d’affichage syndical Tout y est même s’il est vrai qu’on en aurait voulu plus !

 

 

Il faut enfin s’attarder sur un des cœurs du jeu : les cartes ! Chaque « aire d’accueil » du donjon a sa propre carte, la base d’une mission pour les PJs. De façon intra diégétique, ces cartes sont produites et mises à jour par le département adéquat indiquant l’état des pièges lors du dernier arpentage ; ce qui entraîner des rebondissements lors d’un scénario si le dernier arpenteur n’était pas dans un bon jour… Elément du jeu indispensable, elles gardent cet esprit OSR. Encore une #bonneidée !

 

ALORS ? BIEN OU BIEN ?

 

Avec son univers drôle et décalé, ses mécaniques simples et ses multiples excellentes idées qui donnent le sourire à les lire ; Donjons et Cie est un excellent JdR. S’il fallait créer une catégorie « jeux de rôle d’apéro », Donjons et Cie trouverait sa place ! Juste avant une longue soirée à terrasser un dragon démoniaque et sauver un continent féerique ou une nuit à échapper aux assassins d’une mégacorpo ; lancez votre mission de Donjons et Cie, amusez vous à réussir vos objectifs malgré l’incompétence crasse et la mauvaise volonté de vos personnages. Alors, oui, l’esprit chagrin dira que ça manque de matière pour donner vie à cet univers mais si vous avez compris le concept : c’est à vous de le remplir cet univers !

 

 CONCLUSION

 

160 pages, moins de 40€ dans un monde cruel soumis à la super inflation du papier et de notre loisir, un livre qui se glisse facilement dans la valise, des missions toute prête (et encore plus si vous investissez dans la gamme). Aucune excuse : Donjons et Cie est un must have dans toutes les JdRthèques !

Et si vous souhaitez entrer plus en détail dans les méandres de l’entreprise Donjon, des suppléments de qualité, comme Secrets Excavés, sont disponibles.

 

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Écrit par Sébastien Fajal

Professeur certifié de l'enseignement secondaire
Animateur de Club de Jeux de rôle
Auteur chez Casus Belli Magazine
Auteur chez d1000etd100

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