MJ- En fait, lorsque tu fais une prestation artistique ou scénique, tu dégages une telle énergie créatrice que ça fait reculer les ténèbres, tu vois. Les ennemis chopent du coup des malus. En gros, ton personnage devient « lumineux ». OK ?
Joueur- Ah ouais… ça veut dire que les mecs qui gravent la tête de Céline Dion sur un grain de riz en bord de plage l’été, ils font reculer les ténèbres !
MJ- …
Joueur- Hey, ça va vieux ?
MJ- Je ne sais pas ce qui m’angoisse le plus… que ton exemple montre que tu as compris ou que quand on te parle d’art, ce soit la première chose à laquelle tu penses… »
Ceci est la retranscription littérale d’une discussion avec un de mes joueurs. T’es vraiment trop fort Fab…
Quoi qu’on en dise, le JdR est d’abord un loisir de lecture, et un JdR est surtout un livre. C’est même le cœur du travail de maître de jeu : lire, comprendre et s’immerger.
Lire un livre de JdR pour moi n’est pas une lecture comme les autres : difficile de se lancer dans une autre lecture après. Des idées, des images et des émotions me traversent. J’ai envie de les partager, avec vous.
Dans cette chronique, je vous propose le compte rendu d’une lecture d’un ouvrage de JdR en 4000 caractères environ : plaisir de lire, immersion dans les illustrations et sentiments à la lecture.
Mon but : poser en quelques mots ce que provoque la lecture d’un livre de JdR.
LE PRODUIT
KNIGHT, Antre-Monde Editions, octobre 2018, beau bébé de 451 pages. Réapprovisionnement des livres de base en cours.
PITCH
« Sauver des vies mais surtout, sauver des âmes »
L’apocalypse et la fin du monde sont là. Des créatures envahissent le monde : l’anathème. Des créatures monstrueuses se déversent : machines meurtrières ; prédateurs démesurés ; ombres sinistres… L’humanité succombe et approche de l’extinction… Face aux ténèbres, des Chevaliers ! Des humains, aux sentiments exacerbés, le devoir chevillé au corps, revêtent des armures ultra-technologiques et partent au combat. Sauver des vies mais surtout, sauver des âmes.
ON JOUE QUOI ?
« On y joue des armes ambulantes mais avec des vraies personnalités approfondies. »
La proposition du jeu est formidable. Oui, on aurait pu croire à quelque chose de « facile à résumer » : des badass en armure qui défouraillent contre des hordes de monstres. Et bien, le jeu va plus loin. Vos personnages sont définis par des archétypes qui donnent une personnalité marquée ; des hauts faits qui ont fait de lui un chevalier ; un blason qui fixe ses priorités et des arcanes de tarot qui déterminent sa personnalité. Et ajoutant à cela, l’armure ! Elle n’est pas qu’un simple outil pour délivrer la mort ! Elle se connecte à votre personnage, elle est une extension de lui et évolue selon ses choix. Les chevaliers sont des personnalités à fleur de peau, exubérantes ou hantées, car ce sont ces émotions puissantes qui leur permet de porter ces armures. Donc, on y joue des armes ambulantes mais avec des vraies personnalités approfondies.
DANS LE CAMBOUI
« Je vais vite mais la quantité de choix pour peaufiner son personnage est phénoménale. »
Le système de règle est simple à résumer mais il devient complexe à mettre en œuvre. Cinq aspects, aux noms évocateurs (CHAIR, DAME, BETE, MACHINE, MASQUE), font office de base ; chacun subdivisé en trois caractéristiques. Pour tester, le joueur construit sa main de dés en additionnant deux caractéristiques : le système est baptisé « combo ». Pour déterminer cela, le MJ fixe une caractéristique maîtresse et le joueur ajoute une autre caractéristique selon comment il s’imagine la scène. Un troupeau de d6 roule est l’action est résolue.
L’affaire devient complexe car les armures offrent des succès supplémentaires, des capacités à gérer avec l’énergie des armures. Avant la bagarre, les points de gloire et d’XP déterminent le matériel à « acheter » pour aller en mission. Je vais vite mais la quantité de choix pour peaufiner son personnage est phénoménale. Elle peut être un peu déroutante pour le débutant. Quand les dés roulent, il faut prévoir un peu de temps pour calculer et ne rien oublier. Heureusement, des outils numériques excellents facilitent grandement la vie des MJ et Joueurs.
PLAISIR DE LECTURE
« J’ai vraiment ressenti ce vertige de la disparition d’une humanité dévorée par l’incarnation de ses propres cauchemars »
Les pages défilent à une vitesse malgré la taille et le poids de la bête. Les descriptions de cette humanité menacée par cet anathème ; la lumière apportée par les chevaliers… J’ai vraiment ressenti ce vertige de la disparition d’une humanité dévorée par l’incarnation de ses propres cauchemars. J’ai adoré la naissance de ce mythe arthurien qui ramène l’espoir. La partie « mj only », expliquant le métaplot de cet univers mourant, est déstabilisante. Je ne m’y attendais pas à cette plongée dans une mythologie alternative. Sans spoiler, on y comprend mieux l’importance de la créativité et de l’art dans cet univers. Mention spéciale aux grands nombres de scénarios proposés : de quoi rassurer les MJs, leur donner de quoi nourrir leurs joueurs. Les règles sont clairement expliquées et rapides. La complexité viendra lors du choix des accessoires, armes, modules d’armures qu’il faudra consulter pour programmer sa machine de guerre.
PLAISIR DES YEUX
« On va aller vite : c’est beau. Mais vraiment beau. Ces armures… j’aimerais les avoir en figurines… »
La qualité des illustrations est époustouflantes. Les illustrateurs semblent au sommet de leur art ! Les illustrations des armures dégagent la puissance et l’énergie avec ces jeux de lumières sur fond sombre. Les scènes de combat sont bien immersives mais elles ne sont pas la « signature » du jeu. Quant aux illustrations des PNJ principaux, les chevaliers de la Table ronde et leurs sections, sont marquantes. Quel charisme ! Kay et sa section ogre… Un fantasme. Le bestiaire boucle le livre avec un choix visuel radicalement différent. Les monstres sont ébauchés, à peine crayonné et finalement : ça marche ! Comment décrire l’indescriptible ? Comment dessiner des monstres issus des plus terrifiants de nos cauchemars ? Impossible ! Donc, laisser une part d’imagination est un bon choix ! On va aller vite : c’est beau. Mais vraiment beau. Ces armures… j’aimerais les avoir en figurines…
ALORS ? BIEN OU BIEN ?
C’est un vrai classique du JdR pour moi que se dessine à la lecture du livre. Quel challenge que d’arriver à mêler ces ambiances. Oui, vous portez des armures et affrontez des monstres grands comme des immeubles avec des armes qui lancent des éclairs mais vous passerez vos scénarios à enquêter, à comprendre, à discuter avec ces humains désespérés pour ramener l’étincelle. Les personnalités creusées par le système de création obligeront vos personnages à faire des choix cornéliens, entre lâcher des missiles lourds sur ce troupeau de taureau sanguinaire gros comme des camions et y aller au corps à corps pour éviter de blesser les réfugiés « parias » planqués dans l’immeuble à côté… Le scénario d’introduction plonge directement les joueurs dans ces dilemmes : il y plonge des chevaliers dans l’intimité d’un immeuble ravagé par le désespoir.
Knight est à mon avis le jeu le plus marquant de ces dernières années. Les PDF sont disponibles en « payez ce que vous voulez » ce qui montre comment les auteurs vous aime et aiment leur jeu. Plus aucune excuse chevalier, il va falloir aller sauver le monde.
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