Angela Quidam, Autrice et Illustratrice aux talents multiples!

Angela Quidam explore depuis plusieurs années un vaste domaine de la création indé de jdr, autrice, traductrice, illustratrice il est temps de faire le point et d’apprendre à mieux connaitre l’éventail très riche de ses activités dans le jeu de rôles.

 

Créatrice de jdr solo, Angela est également présente sur des projets collaboratifs qui comptent ! Elle participe à la transmission et au partage via ses traductions d’ouvrages anglophones chez ptgptb, ses propres zines, ou encore 500 nuances de geek et enfin ses illustrations se retrouvent dans pas mal de projets, une rencontre s’imposait pour en savoir plus.
twitter https://twitter.com/QuidamAngela 
itchio https://angela-quidam.itch.io/ 
artstation https://www.artstation.com/angela-quidam
behance https://www.behance.net/angelaquidam 

 

Sturm : Tu es une artiste assez protéiforme, quel est ton parcours ?

Angela  : Je sors d’un parcours « art appliqué / design visuel ». Dès le lycée j’ai choisi la voie du design puis je me suis spécialisée dans le design visuel (BTS puis école d’art), j’ai pu tester différents médiums, autant du dessin que de la vidéo, de l’animation, du webdesign, de la gravure et plein d’autres choses, et c’est vraiment la conception graphique et l’illustration traditionnelle (dessin à la main) qui m’ont le plus accrochée. Ce qui me plaît le plus, c’est surtout de dessiner des créatures et des animaux, et je crois que ça se voit rapidement

 

Sturm : Comment tu arrives d’abord dans le “jeu de rôles” puis dans le milieu pro du “jeu de rôles” ?

Angela : Là aussi, tout commence au lycée, avec la rencontre d’Hérisson et d’un petit groupe d’amies, dont Morgane Oltramare qui nous a fait jouer nos premières parties de l’AdC (qui est aussi illustratrice et que vous pouvez retrouver dans Green Dawn Mall !). On a joué quelques années, on a continué après le lycée puis on s’est un peu éloignées géographiquement pendant un temps. Ça ne m’a pas empêchée de continuer à m’intéresser au JdR même si je jouais surtout en conventions ou ponctuellement avec de nouveaux groupes d’ami-es.

Ensuite, je me suis un peu éloignée du JdR pour surtout m’investir dans les études, les petits boulots et le militantisme. Mais je continuais de m’intéresser de loin au JdR, même si je jouais bien plus souvent à des JdP (jeux de plateau) grâce à de nouveaux groupes d’ami-es et à un petit bar à jeux. C’est il y a deux ou trois ans que j’ai découvert la Caravelle et que j’y ai proposé mon aide. Depuis, je continue le bénévolat dans le milieu du JdR (pour de la traduction et relecture principalement) mais on me propose aussi des travaux rémunérés pour de la mise en pages et de l’illustration, et c’est franchement génial de pouvoir accorder des journées complètes à ce secteur ludique !

 

Sturm : Comment choisis-tu tes projets, tu te laisses guider par tes envies?

Angela : Totalement, surtout en ce qui concerne mes interventions bénévoles. C’est en fonction de mes envies et de ce que je veux voir se développer dans la pratique/le milieu francophone. Par exemple, chez PTGPTB, je sélectionne ce que je lis sur les sites anglophones (donc, forcément ce qui m’intéresse), cette sélection s’ajoute à la liste des sélections faites par les autres membres puis, comme les autres traducteur-ices, je choisis de traduire ce qui m’intéresse. Du coup, il y a plusieurs traductions d’articles récemment parues ou à paraître bientôt qui parlent de minorités (racisme, queer, milieu « indé »…) ou de handicaps et d’inclusivité. Et c’est pareil pour mes participations aux projets collectifs : j’ai choisis de participer au Crossroad Chronicler car c’est un fanzine (anglophone) dédié entièrement au JdR en solo ; et je suis contente de voir que de telles initiatives se développent aussi un peu en francophonie. C’est pareil pour les « bundles » et « ventes » caritatives, fréquentes chez les anglophones, qui commencent à être mis en place chez nous (lors des CyberConv notamment, mais aussi pendant des projets plus restreints comme avec le Calendrier de l’Avent-ure que l’on a mené à 5 en décembre dernier, au profit des Restos du Coeur)

Sturm : Tu as une formation de graphiste mais aujourd’hui avec toutes tes activités est-ce qu’il y a une forme d’expression artistique que tu préfères aux autres ?

Angela : C’est difficile à dire, mais je crois que j’affectionne particulièrement l’animation 2D traditionnelle qui dévie des standards du dessin animé, avec par exemple d’autres médiums comme de la craie, de l’encre, du découpage… des choses que beaucoup classeraient comme « expérimentales » ! J’aime aussi énormément les projets participatifs où le public est invité à compléter l’œuvre, peu importe la forme de cette œuvre. Mais, dans les deux cas, c’est très chronophage et/ou ça demande un lieu dédié avec un public présent sur place.

 

Sturm : En tant que créatrice ou joueuse, qu’est-ce qui t’attires dans le jeu de rôle ?

Angela : En tant que joueuse, ce sont surtout les jeux solo. Car il y a beaucoup de petites idées intéressantes dedans, et on peut faire une partie quand on veut, sans que ça dure des heures et sans avoir besoin de matériel. Ces jeux permettent de découvrir beaucoup de choses : façons de jouer, façons de penser, façons d’écrire un jeu… et de pratiquer le JdR différemment qu’autour d’une table ou en ligne. On peut imaginer et créer l’histoire d’un personnage en quelques minutes, par le dessin, le texte, l’audio, etc. En tant que joueuse dans des parties de groupe, c’est moins fréquent et je n’ai pas vraiment d’exigence, je souhaite juste passer un bon moment avec des ami-es et dans un univers qui me plaît En tant que créatrice, je vais continuer avec plaisir à travailler sur de la conception graphique et de la mise en pages ; pour le reste je souhaite me recentrer sur l’illustration. Je ne pratique pas assez et c’est quelque chose qui me manque. J’essaye donc de reprendre le temps de dessiner. Avoir un objectif (un projet précis) m’aide à me recentrer sur cette activité et à la développer. Je vais donc probablement poster plus régulièrement des illustrations sur les réseaux, surtout des créatures mais aussi d’autres choses car je réfléchis à diversifier un peu ce que je dessine pour créer des scènes plus complexes. Epyllion est le prochain gros projet dans lequel j’interviendrai comme une des illustratrices (si le contenu original est financé) pour la maison associative d’édition JDRLab. J’ai aussi quelques autres projets à venir, qui viendront après ce qui est déjà en cours et à finir 🙂

 

Sturm : Quelles sont tes inspirations graphiques, et tes inspirations pour créer des jeux ?

Angela : Les inspirations viennent surtout de souvenirs de styles que j’apprécie (surtout les avant-gardes du début-milieu 20e siècle comme Dada, la poésie concrète, l’expressionnisme allemand… en fait je ne crois pas que ça se ressente vraiment dans ce que je fais aujourd’hui) et de souvenirs d’expo : je suis par exemple encore très marquée par l’expo Happiness de Sagmeister, où il avait écrit en noir sur les murs jaunes et où l’on était invité-es à prendre une carte dès l’entrée qui nous indiquait une action à faire… C’est de la ludification, apporter du jeu là où on ne s’y attend pas, c’est génial. Sinon, il y a beaucoup d’œuvres que j’ai pu voir et j’ai trop peu de mémoire pour me souvenir de tout, mais ça reste probablement dans l’inconscient et ça m’influence. Pour les mises en pages de jeux, je m’appuie surtout sur les codes graphiques propres à chaque genre pour faire correspondre le jeu à son style et à ce qui est attendu (ou en tout cas reconnu) par les joueur-euses.

Sturm : Est-ce que tu écris des jeux très différents des jeux que tu aimes lire ou jouer ?

Angela : Les petits jeux que j’ai écrits et qui sont sur itchio correspondent totalement à ce que j’aime (autant jouer que lire/regarder), et ça couvre des thématiques variées qui vont du petit jeu intimiste et/ou cozy à quelque chose qui peut être plus absurde et/ou horrifique. C’est pareil pour les micro-jeux que je traduis, je les choisis car ça m’intéresse et que j’aime(rais) y jouer. Vous trouverez donc, par exemple, rarement de jeux fantasy dans mes créations ou traductions. Par contre, je mets en page tous types de jeux.

 

Sturm : En terme de système tu as des préférences pour certains en particulier ?  Quelle est ton approche du/des systèmes?

Angela : Je n’ai pas de préférence mais je n’apprécie pas devoir lire des centaines de pages pour comprendre le fonctionnement d’un jeu. Quelques lignes ou un schéma devraient toujours suffire, d’après moi, car je préfère lire des pages parlant de l’univers ou d’idées de scénarios plutôt que des pages de règles. Le gameplay pur m’intéresse peu en soi, je préfère les jeux qui utilisent soit un système simple (deux dés, des jets en oppositions et c’est parti, pas plus de calcul que ça), soit qui colle à la thématique du jeu (un jeu sur la voyance ? Utilisons des cartes ou des domino ; des fantômes ? utilisons une table de ouija, etc.) plutôt qu’un jeu qui plaque un système et une mécanique où il faut calculer chaque petite action. Je ne suis de toute façon pas très calée sur cet aspect du game design, je préfère voir le JdR comme une façon de raconter des histoires et imaginer des personnages variés dans plein de types de situations.

Sturm : Tu es très attirée par le « care » et par tout ce qui est horrifique, comment tu t’y retrouves ?

Angela : Ça m’intéresse beaucoup (le care ndlr) et je ne saurais pas dire exactement pourquoi. De façon générale, c’est peut-être simplement car je souhaite que le JdR soit inclusif, comme n’importe quelle activité devrait l’être. Du coup, je considère que les auteur-ices de jeu devraient mentionner clairement en début de livre (et en 4e de couverture) les thématiques et le contenu abordé. Tout comme les groupes qui se connaissent peu ou pas devraient discuter lors du choix du jeu de ce que chacun et chacune veut ou ne veut absolument pas voir en partie. Il m’est déjà arrivé en partie de convention de tomber en partie sur un MJ abordant une thématique vraiment limite (de type traque ou objet sadique non-nécessaire) qui ne me choquait pas mais que je savais choquant pour d’autres potentiel-les joueur-euses ; et donc qu’il aurait été bienvenue de mentionner vaguement avant la partie, surtout si c’est non-nécessaire au scénario et que ça peut être remplacé par autre chose.

Pour ce qui est des jeux orientés care, je les apprécie beaucoup en solo car ça permet de prendre du temps pour soi, se reposer… et ça demande rarement de prendre beaucoup de temps. C’est un peu comme s’accorder un moment de détente, une sorte de méditation ludique 🙂 Je ne sais pas si je les apprécierais beaucoup en groupe, en dehors des jeux de dessin, car un «moment cozy» n’est pas forcément ce que je recherche dans ce type de parties.

Les créatures horrifiques sont à part, c’est un domaine différent que j’aime tout autant mais je n’imagine pas mêler le cozy à de l’horreur. Ce n’est pas ce que je recherche et apprécie. Par exemple, je n’ai jamais trop apprécié les films gores ou les dessins animés « gores mais visuellement mignons ». Ça plaît à beaucoup de monde, pas à moi. Je préfère l’horreur psychologique (loin du care, pour le coup) et ce qui est « anormal » comme le body horror, les transformations et mutations d’un personnage, son vécu lors du changement d’un corps qui ne semble plus lui appartenir… J’avais écrit une petite expérience ludique pour le Codex (zine anglophone géré par The Gauntlet), qui se basait sur l’expérience de l’obscurité et du silence, et je suis en train d’écrire une Bruine qui comprendra quelques éléments du même genre. Pour résumer, ce qui m’intéresse dans l’horreur c’est l’expérience et le vécu ressenti et ce que j’aime dans le dessin de créatures (pas toujours horrifiques), c’est la liberté possible dans les mélanges, les fusions d’animaux (et de plantes et autres éléments qui prennent alors une nouvelle forme)

Ça se base un peu sur les peurs enfantines et ce que les êtres humains craignent généralement, comme l’étrange, l’inconnu… et la remise en question des normes.

 

Sturm : Tu l’évoques en creux, la transmission est au cœur de ta démarche, que ce soit les trads, les zines, les aides que tu fournis, à quel point cette démarche est importante pour toi ?

Angela : Sans partage, je finirai sans doute par perdre toute motivation. Les projets collaboratifs, que ce soit pour le JdR ou d’autres domaines, sont une source de motivation importante. Et par collaboratif, j’inclus tout ce qui peut être vu comme un hack : un projet repris par quelqu’un d’autre, développé, retravaillé… amélioré. Je ne pense pas une personne seule capable de créer un jeu exceptionnel, ce n’est vraiment qu’à plusieurs et en lisant/jouant pour découvrir et s’inspirer de plein de choses que l’on « grandit ». C’est peut-être simplement lié à ce qui est au centre de ma façon de penser : rien n’est unique, mais certaines choses peuvent être inoubliables. Tout est question de choses vues, lues, entendues et qui ont été retravaillées par plusieurs personnes/générations. C’est ce qui peut finir par rendre un projet inoubliable, même s’il ne sera jamais unique. Ca me semble important de ne pas cacher l’inspiration directe d’un projet, de toujours créditer celleux qu’on respecte/admire, et de chercher à transmettre et rendre accessible (et hackable/utilisable) ce que l’on fait, avec des licences ouvertes par exemple. C’est aussi important de ne pas chercher à vouloir faire des choses « inoubliables » à tout prix, pour pouvoir continuer à s’amuser et à participer aux projets collaboratifs qui nous semblent funs : tant qu’un tel projet ne vous ennuie pas/ne vous semble pas devenir une contrainte et que vous pouvez y consacrer raisonnablement du temps, je vous encourage à le poursuivre et à partager toutes vos idées, même celles qui vous paraissent les plus débiles ou les plus infaisables. C’est comme ça que je fonctionne aussi

 

Sturm : Tu sors un projet  avec Hérisson, tu reviendras nous en parler avec elle, mais que peux-tu déjà nous dire ?  Est-ce que ça regroupe tes passions?

Angela : Notre nom de duo commencera et finira par un Z, on expliquera d’où vient ce nom (spoiler de qualité incroyable : c’est lié au JdR). On se connaît depuis pas mal d’années, on a découvert le JdR ensemble et on commence déjà à faire des projets ensemble et pas qu’en duo (c’est un peu notre retour au temps jadis du lycée où l’on passait nos journées ensemble, après lequel on a emprunté deux chemins différents mais parallèles). On proposera des créations variées allant de l’illustration au micro-jeu. On pense aussi proposer quelques petites autres choses, basées sur nos compétences communes de designers-illustratrices. On envisage aussi de collaborer avec d’autres personnes que l’on a déjà croisées, francophones et anglophones, le temps venu. On est presque prêtes à se lancer, il ne reste juste qu’une formalité administrative à valider. Ah oui, il reste aussi à attendre le lancement prochain de la plateforme sur laquelle on souhaite être présentes : comradery.co, qui s’annonce être comme Tipeee/Patreon mais en plus éthique et durable, fait par et pour des artistes. Il s’agira donc d’une plateforme sur laquelle nous soutenir de façon régulière, en échange de la possibilité d’utiliser nos illustrations, avoir accès pour un prix réduit à tout notre contenu, découvrir nos projets un peu avant la publication publique… Ça ne nous permettra probablement pas de payer les loyers et on ne va pas établir de business plan (ahah) mais on souhaite vivre une belle aventure grâce à ce projet à long-terme : On ne vise pas la Lune, juste de Clairvoyantes Ténèbres. 🙂

 

Sturm : Ton actu immédiate c’est Epyllion chez JDRLAB en financement sur ulule, est-ce que tu peux nous dire ce que c’est et ton implication dans cet ouvrage ?

Angela Quidam : Epyllion est un JdR pour jouer des dragons vivant entre dragons sur une île peuplée d’animaux hybrides (éléphoulpes, chapillons et tout hybride que vous pouvez imaginer). Vous commencez l’aventure en tant que jeunes drakes et vous appartenez à une « Maison », une sorte de guilde. Chaque Maison a ses propres objectifs et intérêts mais elles doivent aussi faire front, face à des ennemis communs pour défendre leur île : Dragonia !

Le jeu se base sur les principes pbta (jeux « propulsés par l’apocalypse »), chaque joueur-euse a un livret de personnage avec un concept central et une vertu. Face aux obstacles, le groupe devra s’entraider en se donnant des pierres d’amitié, liées aux vertus !
C’est un jeu de Magpie Games, en cours de traduction chez JDRLab. La livraison est prévue pour très bientôt, mais il est encore possible de soutenir le projet et d’augmenter le contenu grâce à la nouvelle campagne Ulule.
Sur ce projet, je me suis occupée de la création de visuels et petits trailers vidéo pour les pages Ulule mais aussi de la colorisation des illustrations, par exemple pour les livrets de personnages ci-dessous. Très bientôt, je m’occuperai aussi de la mise en pages des cartes PNJ. Si la nouvelle campagne de financement atteint ses objectifs, j’aurai aussi le plaisir de créer de nouvelles illustrations (des têtes de dragons pour les cartes !) aux côtés d’autres illustrateur-ices !

Merci beaucoup Angela !!!

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Écrit par Sturm-Patrick

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