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Billet du prof de JdR : « Entretiens avec des collégiens »

« ce que pensent vraiment les ados rôlistes »

Pour les professeurs, les années scolaires se suivent et se ressemblent. D’une rentrée à l’autre, les cours s’enchaînent jusqu’au moment fatidique d’un « conseil de classe ». Une date, un moment, un rituel… Pourtant, un moment essentiel : c’est là que nous pouvons prendre le temps de réfléchir aux individualités et au fonctionnement du groupe. 


Bon, vous devez vous demander pourquoi cette lourde digression sur mon boulot de prof. D’abord, parce que la grande qualité de la rédaction de D1000 et D100 est de nous permettre de flatter nos penchants de gonzo-journalisme et de parler de nous à longueur d’article. Ensuite, parce que c’est la période des conseils et que je me retrouve devant les notes prises pendant les sessions du Club.

Cette année 2022-2023, après cinq mois, le Club de JdR est à son apogée. De septembre à février, les effectifs ne cessent d’augmenter jusqu’à des jours à presque vingt-cinq joueurs. Puis, à partir du mois de mars, la fréquentation baisse et se stabilise jusqu’à la fin de l’année scolaire. Je profite de ce temps de réflexion pour me pencher sur les profils participant au Club cette année, comme pour un conseil de classe.

Depuis cinq ans que j’en chronique le quotidien, je réalise que je parle des élèves en groupe, en cohorte, en les organisant par catégorie. Cependant, ils restent des individus avec leurs spécificités, leurs goûts et leurs caractères souvent bien trempés.

Et si nous entendions un peu la parole de ces collégiennes et collégiens ?

Accompagnez-moi dans l’étude des entretiens que j’ai eu avec plusieurs des élèves du Club ; leur intérêt pour le JdR ; un regard sur leurs pratiques, leurs goûts, le rapport aux mondes de l’imaginaire… Et pour finir, leurs appréciations, décalées, sur le tenancier de l’Auberge.

 

Nouvelle année, nouveaux chantiers

 

Nouvelle année et nouveaux rôlistes. Le jour de Club est resté le Jeudi. De 11h à 12h, les portes sont ouvertes aux 6°-5° et de 12h30 à 14h aux 4°-3°. La salle est restée la même : petite mais chaleureuse. Les tables y sont organisées en îlots de six places. L’effectif total d’accueil de la salle est fixé à vingt-quatre élèves pour raison de sécurité. Cette année, première fois depuis la création, il faut « refuser du monde » et mettre en place un roulement pour accueillir les curieux.

La surprise de cette rentrée est le retour de joueuses et joueurs en 6e et 5e. Cette tranche-là était relativement peu investie jusqu’alors. L’an dernier, il n’y en avait pas un seul ! Cette présence est d’autant plus étonnante que je n’ai moi-même ni 6e, ni 5e en classe cette année. Ce sont donc des élèves qui ne me connaissent pas et qui viennent explorer le loisir avec leurs représentations et leurs connaissances. Ils sont entre dix et quinze à chaque session. Beaucoup de filles sont venues mais après trois mois, beaucoup sont reparties. La principale raison est le retour des « garçons ».

 

Des stéréotypes intériorisés et leurs actions sur un lieu de loisir

 

Bon, ici se pose une problématique identifiée dans les espaces de loisirs mixtes. Lorsque des groupes de garçons investissent en bande un lieu de loisirs, les filles ont tendance à se mettre en marge. Des études assez édifiantes ont été faîtes sur les cours de récréation, notamment autour de l’utilisation des installations sportives (terrain de sport, table de ping pong, baby foot…). J’ai, cette année, un groupe de garçon au Club qui y sont très… exaltés. Ils occupent tout l’espace physiquement et sur le plan sonore : ils miment les gestes des personnages, circulent d’une tablée à l’autre pour encourager les copains, s’interpellent d’un bout à l’autre de la salle… C’est un vrai contraste avec l’ambiance feutrée de ces dernières années. Plusieurs jeunes filles voulant éviter le tumulte de la cour et souhaitant se plonger dans des histoires ont du mal à s’immerger et ne sont pas restés au Club. C’est un grand travail à mener, à l’échelle du collège (de la société…) sur l’intériorisation des stéréotypes genrés.

Le créneau 4°-3° reste toujours le plus fréquenté. L’intérêt des « grands » est très marqué : quinze à vingt joueuses et joueurs viennent à chaque session. Il y a quelques nouvelles têtes qui passent ; qui restent quelques sessions ou qui se fixent. Ici, la présence féminine est largement majoritaire et le public est composé d’habituées, venant au club depuis deux à trois ans. C’est plus calme alors qu’ils sont plus nombreux.

Tiens, étant en pleine préparation des conseils, je pourrais proposer une appréciation générale pour le Club : « une classe composée de deux groupes hétérogènes. Un premier, plus nombreux, brille par son sérieux, l’ambiance studieuse et l’implication dans les activités. Un second groupe, plus jeune, est très dynamique. Cependant, il y est difficile d’instaurer une ambiance sereine et appliquée. Une réflexion sur les droits et devoirs de chacun par rapport au groupe doit être menée ».

 

Démarches et mises en place des entretiens individuels

 

Pour préparer au mieux ce conseil, j’ai proposé aux élèves une série d’entretien individuel. Ceux qui le souhaitent pouvaient venir, seuls ou à plusieurs, au bureau central de la pièce et répondre à une série de question. L’exercice se veut proche d’une interview. Plusieurs ont accepté de se prêter au jeu ; d’autres n’ont pas souhaité interrompre leur partie en cours. Les entretiens se sont étalés sur quatre sessions. Symboliquement, l’entretien était patronné par Amadou, la peluche Dragon mascotte du Club, qui se tient à mes côtés, juste à côté du clavier.J’ai préparé une série de questions dont le but est de laisser s’exprimer l’élève. Les questions se veulent assez large, elles ont pour objectif de laisser l’élève parler. Quatre axes m’intéressent : ce qui les conduit au Club ; ce qui les motive à revenir au Club ; le rapport qu’ils ont déjà avec le monde ludique et le rapport à la culture inspirant notre loisir. Je me suis autorisé une dernière question sur moi-même : quel est leur regard d’adolescent sur un vieux de quarante ans qui roule des dés et se promène avec une peluche de Dragon en dehors de ses cours d’histoire-géographie.

Présentation du panel sélectionné

 

Voici la présentation de notre panel. Je n’ai pas retranscrit l’ensemble des entretiens ; j’ai conservé les paroles les plus drôles et marquantes. Celles qui représentent les différents profils qui fréquentent le club cette année. Il faut le voir comme un « instantané », une photographie de la classe à la moitié de l’année.

Dans les lignes qui suivent, vous trouverez les avis croisés de Gabrielle, Lucie, Manon, Amalyna, Nilh, Lloris. Ils sont 6°-5e et fréquentent le Club depuis le début d’année. Ils sont déjà des habitués. Ayleen, Ailys, Louis et Jean sont arrivés en cours d’année. Un peu intimidés au début, ils ont su trouver leur marque. Léa, Lou, Charlène, Jade, Lise, actuellement en 4e-3e sont des piliers du Club, présentes à chaque session depuis deux à trois années. Noah, Aurel, Lana, Eva et Salomée 3e sont venus l’an passé de façon occasionnelle. Ils sont devenus des joueuses et joueurs réguliers cette année.

 

Question 1 : Qu’est-ce qui t’as attiré au Club ?

 

Les réponses sont variées, surtout avec les groupes des jeunes arrivants. Eux découvrent le jeu de rôle et parfois le collège tout court. Les raisons d’échouer dans mon antre sont multiples.

« Les copines m’en parlaient tous les jours » souffle Lise.

Le bouche à oreille a fait son effet. Le Club est présent dans le collège depuis 2017, une génération d’élève complète est passée et les anciens membres en ont parlé autour d’eux. Ainsi, précise Jean : « des amis plus grands en ont parlé quand j’étais en primaire. Ils m’ont dit d’aller voir ». Il s’est présenté ainsi seul, par curiosité.

Lucie avait déjà été bien préparée : « ma sœur m’en parlait tous les jours : je n’ai pas eu le choix… ». Sa grande sœur, aujourd’hui au lycée, était effectivement une fidèle. Pour Lucie, c’était presque un « rituel de passage » que de venir au Club. Le bouche à oreille est plus marqué chez les grands : « mes copines y sont déjà et en parlent souvent » expliquent Eva et Salomée.

Charlène, membre active depuis plusieurs années, se souvient : « ma meilleure copine avait envie de tester, je l’ai suivi mais je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait ». Jade complète « pareil pour moi, elles y étaient déjà (elle pointe du menton son groupe d’amie attendant leur tour). Elles m’ont convaincu, elles étaient trop emballées ».

« J’ai vu des trucs sur le jeu de rôle, ça m’a intrigué » me répond Amalyna.

L’image et la réputation du loisir attirent beaucoup. Soyons honnête, notre loisir devient mainstream, même si, comme beaucoup « j’avais du mal à imaginer comment ça se joue » confie Lloris.

Cependant, le terme jeu de rôle a évoqué à Gabrielle « une idée de théâtre, d’improvisation, de pouvoir jouer un rôle. J’ai été un peu déstabilisée par la mise en scène. Mais j’adore quand mon personnage peut faire des expériences ! Visiter des lieux, utiliser des objets, résoudre des énigmes ».

Manon explique « j’ai longtemps entendu parler de jeu de rôle sur les réseaux sociaux ou avec des amis. J’ai toujours voulu l’essayer mais je ne savais pas trop comment. J’ai sauté sur l’occasion dès que j’ai vu les affiches ». Du coup, elle revient à chaque session. Elle a même tenté de faire jouer les scénarios mais « je préfère vivre les histoires, c’est plus excitant. J’ai eu une boîte de JdR à noël mais personne ne comprend ce qu’est un jeu de rôle dans ma famille ».

Conséquence : Manon est présente chaque jeudi avec un sourire d’une oreille à l’autre.

« Il y a toujours des copines » explique Ayleen.

L’expérience de vie collective est un facteur intéressant. Ayleen et Ailys, jeunes élèves de sixième, viennent d’écoles « hors secteurs » : au collège, elles ne connaissent personnes quand d’autres connaissent au moins leurs amis de l’école primaire. « Je viens au Club pour rencontrer des gens. L’ambiance est sympa et autour de la table, on discute, même si c’est nos personnages » explique Ayleen. Les deux filles, qui ne se connaissaient pas, sont devenus depuis inséparables en classe comme dans la cour (et au Club).

« J’ai vu une image de ma série préférée sur l’affiche » me dit Jean.

L’effet NetFlix joue aussi beaucoup. Sur l’affiche faisant la promotion du Club, j’ai mis plusieurs illustrations évoquant des films, séries, BD ou vidéastes. Ainsi, une discrète image tirée de la saison 1 de Stranger Thing (les quatre garçons dans la cave) a éveillé la curiosité. Louis ajoute d’ailleurs « j’adore trop la série mais j’avais cru que Donjons et Dragon était un jeu inventé pour la série. Je croyais qu’on jouerait dans l’univers de la série en fait. On jouera à Donjons et Dragon alors ? ». Je prends note mentalement, pour une session ultérieure. Pour la passion pour les séries d’adolescents face au surnaturel, cela me laisse une perspective de lancer un Tales From The Loop pour une prochaine session.

« Parce que je connais le prof… » me lancent Noah et Aurel, l’air goguenard.

Ces deux loustics ont été en classe avec moi pendant deux ans. Ils ont ma collègue cette année de 3e mais « la façon dont vous racontiez l’histoire m’a plu. Après, on est venu à l’animation l’an dernier. C’était sympa, on a pris rendez-vous pour la rentrée » ajoutent-ils avec un clin d’œil appuyé. Ils ont eu effectivement eu l’occasion d’assister à une animation que le Club a donné en fin d’année dernière : une partie en live dans laquelle le public pouvait interagir avec l’histoire. Depuis la rentrée, ils sont au Club. Ils enchaînent les parties sur plusieurs univers et divers maîtres de jeu.

 

Question 2 : Pourquoi tu reviens au Club ?

 

« Pour les copines » me rappellent plus des trois quarts des élèves.

Pour certains, c’est même l’unique raison de la présence ici : « ah oui, sans les copines, je ne viendrais pas » m’avoue Lise. Amalyna précise : « je préfère jouer avec une camarade de classe ». D’autres sont plus enjoués : « on rigole, on parle avec des grands, on discute avec eux d’égal à égal » se réjouit Jean. C’est un constat marquant et qui se perçoit dans la fréquentation : on vient au Club par groupe d’ami, par grappe même ! Rare sont ceux qui se présentent seuls. En regardant les feuilles d’appel, il apparait que les élèves fréquentant le Club pour la première fois n’appartiennent qu’à deux ou trois classes. L’ensemble devient plus homogène l’année suivante lorsque ces élèves sont ventilés dans d’autres classes. L’effet « pervers » de cette logique de groupe fonctionne aussi dans le sens inverse : si un ou une des membres de la grappe n’est pas là, le groupe risque de ne pas venir au Club. Et si un élément s’en lasse, l’ensemble du groupe quitte temporairement ou définitivement le Club. J’ai le cas d’un groupe, qui n’a pas souhaité participer à l’entretien, qui vient de temps en temps, reste trois quatre sessions pour « faire une histoire » puis disparait des effectifs jusqu’à la prochaine envie ou idée. Le jeu de rôle : un jeu de société comme les autres ? Après tout, pourquoi pas…

« L’ambiance est trop drôle » me dit Salomée en riant.

Bon, soyons honnête et reprenons le phrasée exact : « l’ambiance est trop kiffée. On rit, on fait le spectacle, les personnages font n’importe quoi et des fois, quand on meurt, c’est le fou rire ». Oui, effectivement, j’ai remarqué depuis plusieurs années, que la mort d’un personnage n’est pas un moment dramatique pour eux. Il est vrai qu’ils incarnent surtout des prétirés dans des parties de deux à trois sessions. Quand le maître de jeu est un autre membre du club, il est souvent intransigeant sur ses tests de dés : certains scénarios sont de vrais « hachoir à personnage » : rare sont ceux qui survivent. Mais ils en sortent content.

« J’aime imaginer être ailleurs, être quelqu’un d’autre, visiter des lieux étranges : bref, s’évader quoi… » et les yeux de Charlène partent dans le vague en finissant sa phrase.

Ah, ce sont des réponses qui font plaisir. Le JdR, « c’est fait pour voyager, pour explorer, pour se dépayser tout en restant dans son collège assis à une table. Moi ce que je préfère, c’est aller dans toutes les pièces et toucher à tous les objets pour voir ce qu’il se passe » précise Lou, rôliste vétérane maintenant. Manon, plus jeune, ajoute « j’aime la richesse des univers décrits ». Chez la studieuse Léa, l’analyse est plus appuyée : « j’apprécie l’interactivité du jeu et multiplicité des choix de solutions pour les problèmes ».

Question 3 : Quel est ton rapport aux jeux ?

 

« A la maison, on est très jeux de société. Mes parents sont collectionneurs » me répond Gabrielle.

 

Lucie complète « depuis que ma sœur en parle, mon oncle a envie d’acheter un jeu de rôle, il en faisait quand il était jeune ». Cette question a été, à mon sens, mal interprétée. Je pense que je l’ai mal posée. En fait, chacun s’est lancé dans une liste, plus ou moins longue, des jeux pratiqués en famille ou avec des amis. Il y là des classiques (Echecs, Monopoly, Uno, la Bonne paye), des nouveaux standards du Jeux de Société (7 wonders, Splendor, les aventuriers du rail) et des jeux plus pointus (Micro macro, Unlock…). La plupart n’ont pas fait des escapes-games, sinon les scénarios pédagogiques que nous utilisons en classe. Ce public est témoin de son époque. Le nombre de jeux vendus depuis une décennie ne cesse d’exploser et les enfants de cette « explosion ludique » sont au collège. Le confinement a d’ailleurs beaucoup participé à la découverte de nouveaux jeux. Mon opinion est que la découverte du JdR s’inscrit dans une vague « ludiste » qui touche la société. Et tant mieux !

« Les Jeux-vidéo ? Je n’aime pas. Oui, j’ai une console mais j’y jouais quand j’étais petite » me dit Lou.

Là, on touche à une chose qui m’a marqué dans ces entretiens. C’est peut-être ce que je retiendrais le plus. J’ai posé la question à l’ensemble de mon panel et même plus, à quasiment tous les membres du Club. La réponse est formelle : ce public de rôliste ne joue pas ou très peu aux jeux vidéos. Alors, attention, cela ne veut pas dire que les jeunes ne jouent pas aux jeux vidéos ; mais pas ceux qui viennent au Club. Les raisons sont diverses. Dans un sourire gêné, Gabrielle avoue : « Je n’y ai pas droit, mes parents ne veulent pas ». Noah et Aurel reconnaissent jouer de temps à autre aux titres à la mode mais « une, deux heures par semaine. Il y a trop de choses à faire ailleurs ». Lise et Jade reconnaissent des parties de Mario Kart avec leurs petits frères et sœurs. Léa, du coup à part dans ce panel, est une vraie gameuse « Assassin Creed’s, surtout celui sur Londres ; Résident Evil et du rétro gaming aussi : je me fais tous les Castelvania pour préparer mon oral du brevet sur les figures du Vampire dans les médias ». Elle fait figure d’exception. Peut-être iront-ils aux jeux vidéos plus grand ? C’est d’autant plus troublant pour un ancien gamer tel que je l’étais à leur âge (et jusqu’il y a peu encore…). C’est peut-être moi l’OVNI dans ce groupe…

« Le Loup Garou ! C’est trop bien ! D’ailleurs, vous en avez un ! On fait une partie ? » me répond avec envie Lana.

Le Loup Garou de Thiercellieux occupe à lui seul une catégorie. C’est, de loin, le jeu le plus pratiqué au club dès qu’une ou plusieurs tablées se retrouvent sans maître de jeu. Nous avons eu ainsi des sessions de Loup Garou à presque vingt participants, les quatre autres essayant difficilement d’écumer un donjon avec moi sur Chroniques Oubliées. Ce jeu est connu de tout mon panel et il est synonyme de jeux de rôle pour beaucoup. J’en ai effectivement un exemplaire au Club et il s’use rapidement. Le jeu a un intérêt certain pour les rôlistes que nous sommes : il permet d’identifier en un clin d’œil celui ou celle qui ferait un excellent maître de jeu.

 

Question 4 : Parlez-moi de tes références culturelles, tu aimes lire ou regarder quoi en lien avec le fantastique ?

 

« J’adore la magie, les univers fantastiques en général : Harry Potter (les livres) ; les animaux fantastiques ; le seigneur des anneaux, le hobbit. Je suis plutôt une lectrice » répond presque sans réfléchir Gabrielle.

C’est la référence culturelle de cette génération et probablement leur porte d’entrée vers le JdR. Je propose un scénario dans une école de Poudlard revisitée et la séduction s’opère. La lecture est un point commun de beaucoup de mes joueuses. Fille de son époque, Manon énumère ses œuvres cultes : « harry potter film et livres, créatures, star wars, les marvels, le seigneur des anneaux sur Amazon. Je suis plutôt cliente de ces univers ». Lou a un regard plus nuancé « en fait, à lire [le fantastique], ça ne m’intéresse pas. Je suis plutôt roman d’amour. Mais j’aime bien ces univers en jeu de rôle ».

« Ah, [je lis] beaucoup de mangas qui sont au CDI : Sword Art Online, Seven Deadly Swords, Attaque des Titans, Feary Tales, One Piece…[et la liste est longue à la suite] » pour Amalyna.

Léa complète avec des références d’anime « Hellsing, Castelvania, Monsters… ». Bien, ce n’est pas une découverte : le public français est un gros consommateur de manga. Nous avons la chance au collège que notre CDI est richement approvisionné. La BD n’est pas en reste puisque les « Légendaires » occupent une forte place et j’ai suggéré l’acquisition des séries des « Terres d’Arran » de chez Soleil (Elfes, Nains, Mages, Orcs et Gobelins…) qui plaisent beaucoup chez les plus grands. Ce sont autant de portes ouvertes pour attirer de futurs joueurs vers les boîtes de jeux éditées par Black Book Editions.

« Le fantastique, les Pokemons, les cartes Magics… Et j’ai entendu parler de Warhammer, un jeu avec des figurines. C’est du jeu de rôle ? Vous en faîtes ? » me demande Nilh.

C’est une des particularités de ces garçons nouvellement arrivés au Club : ils ont des références plus proches de que nous qualifierions de « geek ». Ils ont trouvé leur plaisir dans le médiéval fantastique. C’est un genre qui était plutôt boudé jusque-là dans le Club. La présence de ces groupes ouvrent de nouvelles perspectives, malgré que je ne compte pas faire du Warhammer-battle au Club…

« Des séries NetFlix comme Stranger Thing, Ric et Morty, Locke and Key… » me citent plusieurs de mes clients.

Certains surprennent, comme Lloris : « pour moi l’aventure, c’est Koh Lanta. Et j’ai vu qu’il y en un jeu au Club ! On y joue ? ». Effectivement, j’ai acquis deux jeux Koh Lanta, le premier de Fabien Fernandez et le second de Simon Gabillaud et Coline Pignat (Antre Monde Editions). Ils fonctionnent en autonomie avec les élèves.

C’est intéressant de voir comment se construit un ensemble de référence commune pour faciliter l’entrée dans le JdR. Comme je l’avais expliqué dans d’autres chroniques : débarquer avec son set Donjons et Dragon est souvent se heurter au mur de l’incompréhension. Par contre, proposer un ou plusieurs scénarios dans une école de Poudlard ou sur un univers avec des références visuelles mangas est un atout. Avis à vous !

 

Question finale : Et voir un prof de 40 ans qui joue avec des dés et une peluche, ce n’est pas bizarre ?

 

Les réponses du panel montrent plutôt l’absence de surprise, me faisant prendre conscience que je n’étais pas très original en fait pour eux. « Non, mes parents sont déjà collectionneur de jeux » explique Gabrielle. Pour Lise : « je ne me suis jamais posé la question ». Amalyna esquisse un sourire : « ça m’a fait rire mais je vous avais déjà vu dans les couloirs, sur l’ENT ». Pour information, l’ENT (Environnement Numérique de Travail) est le site sur lequel le collège regroupe ses actualités, les liens vers le cahier de texte et les bulletins. Il est vrai que je publie de temps à temps des actualités du Club. Lou complète « je n’y ai jamais fait attention et depuis le temps, ça ne me choque pas ».

D’autres sont plus « philosophique ». Manon lance fièrement un « et c’est quoi être bizarre ? Est-ce choquant d’être ce qu’on est ». Léa complète « et ça serait quoi la normalité en fait ? » et Eva : « c’est bien que des personnes sortent un peu de cadre, mettent un peu d’humour dans le métier ». Salomée, résignée, achève d’un « tout le monde fait ce qu’il veut. Après, des gens mettent des peluches sur leurs pulls alors… ».

Pour finir ces entretiens, je laisse au panel le plaisir d’un dernier mot, pour la « postérité ». Histoire de partir avec un sourire. Voyons voir leurs inspirations.

Gabrielle, Lucie, Manon, Amalyna, Lloris, Ayleen lancent à quelques mots prés un « le JdR, c’est trop bien ! J’aime ! ». Nilh, Noah et Aurel restent dans le même thème : « c’est un loisir sympa au collège ». Les plus anciennes du Club sont plus inspirées et donnent des conseils. Pour Lou : « faîtes du JdR, ça développera votre imagination » ; Lise complète « Le JdR, ce sont des moments sympas entre amies » ; Charlène « Faîtes du JdR et changez-vous les idées » ; Eva : « C’est bien et cela permet d’être toujours à l’écoute de l’autre ». Jade, dans l’analyse, « en fait, vu de loin, c’est pas du tout attirant ! mais en fait, c’est super bien ! ».

Enfin, voici les deux plus surprenantes que je garde pour terminer cet article. Léa souhaite terminer par un cryptique « que Dieu et Sa Majesté soit avec vous » et Salomée, réaliste, revient à son premier amour : « Vive le Rugby ! ».

Je crois que tout est résumé : vive le Jdr et vive le Rugby. En tout cas, une grande partie de ces frimousses de jeunes rôlistes vont encore sacrément me manquer l’année prochaine. Ça aussi, c’est un rituel de la vie de professeur.

Écrit par Sébastien Fajal

Professeur certifié de l'enseignement secondaire
Animateur de Club de Jeux de rôle
Auteur chez Casus Belli Magazine
Auteur chez d1000etd100

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