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Écrire du jeu de rôle : du projet à la réalité

Vous voudriez créer votre propre univers ou écrire pour votre jeu préféré ? Vous aimeriez partager vos créations avec d’autres rôlistes ? Vous avez déjà participé à certains projets mais cherchez des conseils ?

Voici le premier article d’une série réunissant quelques conseils de base dont j’espère qu’ils vous donneront envie de tenter le coup, qu’ils vous éviteront quelques faux pas et vous préparerons un peu mieux aux succès comme aux échecs. Ici il va être question de l’écriture proprement dite et des spécificités de l’écriture (ou plutôt des écritures) de jdr. Une partie de ces conseils ont déjà été publiés sur mon twitter.

 

Qui suis-je ?

 

Je suis un rôliste comme tant d’autres, de la génération des Livres dont vous êtes le héros, de la boîte rouge de D&D et de L’Œil Noir. Pendant mes études supérieures, je me suis impliqué dans le milieu associatif. À partir de là, par hasard, par opportunité, à la suite de quelques coups de pouce ici et là, et aussi à beaucoup de travail, je suis parvenu à accomplir certaines choses, dont rêvait certainement un coin de mon esprit d’adolescent lecteur de Jeux & Stratégie et Casus Belli. Publier des scénarios, écrire dans Casus, écrire mon propre jeu, le voir joué par d’autres, rencontrer des gens dont les mots ont bercé un peu de mon adolescence.

Tout au long de ces années, je n’ai jamais eu la conviction d’avoir du talent, je n’ai jamais été motivé par un projet ou un grand œuvre personnel, je n’ai jamais eu une vision claire d’où je voulais aller et comment. Ce qui m’amène à être convaincu, comme l’a dit avant moi un certain Mike Pondsmith, c’est que si j’y suis arrivé, alors vous le pouvez aussi.

 

Le jdr, loisir créatif

Contrairement à la large majorité des autres médias, y compris des autres types de jeux, le jeu de rôle propulse les personnes participantes à la fois dans les rôles de spectatrices, d’actrices et de créatrices.

 

Si la question de se faire publier et de « passer de l’autre côté de la page » se pose si souvent pour les rôlistes, je ne pense pas que ce soit un hasard. C’est la nature elle-même du loisir qui veut cela. Contrairement à la large majorité des autres médias, y compris des autres types de jeux, le jeu de rôle propulse les personnes participantes à la fois dans les rôles de spectatrices, d’actrices et de créatrices. On peut d’ailleurs noter que tous les jeux de plateau qui offrent cette possibilités (et qu’on pourrait par un abus de langage regrouper sous le terme de « jeux narratifs ») finissent tôt ou tard par être catégorisés comme jdr. De même pour les actes de cocréation par internet tels que les jeux de rôles par forum, longtemps méprisés par une partie du public du jdr sur table, mais avec lesquels la frontière est de plus en plus floue grâce aux outils et possibilités modernes (sans oublier deux ans de confinement intermittent).

Jeux avec ou sans MJ, jeux traditionnels ou non, orientés sur la confrontation ou « feel good », quel que soit notre rôle dans la partie, nous nous impliquons dans un acte créatif. Création d’un univers, d’histoires, de personnages, de rebondissements… Pour beaucoup de rôlistes, je pense que la tentation existe tôt ou tard de partager ces créations. N’importe qui traînant un peu sur le web rôliste depuis plus de vingt ans peut mesurer la quantité ahurissante de contenu qui a été créée et publiée de manière souvent amateure ou désintéressée.

Mon expérience personnelle est plus celle d’un rôliste sur table. Mais je pense qu’une large part de ce que je vais écrire s’applique à toutes les formes de jdr. Car la nature de l’acte de création lui-même n’est pas si différent. L’exercice est peut-être différent mais les muscles (l’imagination, l’inspiration et l’écriture) restent les mêmes.

Si vous lisez ces lignes, il y a fort à parier que vous êtes vous-mêmes rôliste. Si ce n’est déjà fait, cette envie trouvera certainement aussi, tôt ou tard, son chemin dans votre esprit. Quelle que soit votre motivation, vous vous demanderez certainement comment procéder. Comme beaucoup d’autres, vous remettrez sans conteste en question vos compétences ou l’intérêt de ce que vous souhaitez écrire. Vous essayerez éventuellement de trouver des conseils, des méthodes ou des outils. C’est peut-être ce qui vous a mené jusqu’à ces lignes, d’ailleurs.

Malheureusement, notre milieu et notre loisir sont encore trop jeunes pour avoir réellement formalisé le partage de connaissances et être en mesure d’aider correctement la nouvelle génération d’autrices et d’auteurs. J’espère, par cette série d’articles, vous permettre d’éviter les quelques pièges les plus grossiers.

 

Quelques leçons de base

 

Si vous ne devez retenir que deux choses de tout ce qui suit, les voici : persistez et ne vous laissez pas enfermer.

Même quelques dizaines de minutes par jour (…) il faut voir cet exercice comme du temps pris pour soi.

 

Plus vous écrirez, meilleurs vous serez. Je suis de ces hérétiques qui ne croient pas au talent. Ou plutôt, qui pensent dur comme fer que le talent ne remplace jamais le travail et la pratique. Le talent, c’est votre point de départ. Le travail, c’est ce qui vous mènera à l’arrivée.

Écrivez, autant que possible, aussi souvent que possible. Ménagez-vous des instants pour écrire sur une base régulière. Si vous laissez passer trop de temps entre deux séances, vous y perdrez énormément de temps et d’énergie. Même quelques dizaines de minutes par jour valent mieux que de longues périodes trop espacées. Après une longue pause, il est extrêmement délicat de relancer la machine. Cette discipline peut être compliquée à mettre en place, dans nos vies de plus en plus remplies. Après une journée ou une semaine de boulot, après avoir couché les enfants ou s’être occupé du ménage, l’énergie et de disponibilité mentale ne sont pas forcément suffisantes. Mais il faut voir cet exercice aussi comme du temps pris pour soi. Au même titre qu’un bon film ou un bon roman, une petite séance d’écriture peut vous apporter la petite dose d’évasion et d’accomplissement qui éclaircira votre journée. Et si vous n’y arrivez pas seul(e), il existe des structures, des outils et des événements qui peuvent vous aider à trouver la motivation : clubs d’écriture, certains discords orientés sur la création, NaNoWriMo, etc.

Soyez conscient aussi que tout ce que vous écrirez demain sera meilleur que ce que vous écrivez aujourd’hui. Chaque texte sur lequel vous travaillez est un entraînement pour le futur. Acceptez cela, sans pour autant cesser de produire. Ne vous laissez pas piéger par la paralysie du perfectionnisme. En écrivant, vous allez faire plusieurs allers-retours avec votre texte. Acceptez le fait qu’il ne sera jamais parfait, et qu’il pourrait même sembler mauvais à votre futur moi. Mais assurez-vous de terminer et de publier, au sens de le mettre à disposition pour d’autres, que ce soit de manière professionnelle ou non.

Sachez aussi rester ouvert à ce que créent les autres. La création est un recyclage permanent d’idées.

 

Ensuite, ne vous laissez pas enfermer dans une bulle ou une chambre d’écho. Entourez-vous de personnes qui vous motivent et vous poussent à être meilleur. Ne vous faites pas confiance lorsqu’il s’agit d’évaluer la qualité de ce que vous écrivez. Trouvez des personnes qui seront capables de vous faire des retours et de vous faire progresser. Habituez-vous à prendre ces avis extérieurs et à les accepter, même lorsqu’ils ne sont pas à 100% positifs, même lorsqu’ils sont exprimés de manière maladroite (tout le monde ne sait pas formuler ses critiques). Et méfiez-vous lorsqu’ils sont uniquement positifs.

Sachez aussi rester ouvert à ce que créent les autres. La création est un recyclage permanent d’idées. Laissez se tarir la source de nouvelles idées et là encore vous frapperez un mur. Cela implique de sortir de votre zone de confort pour essayer de nouveaux jeux, d’aller voir du côté des indés et des tradis, sans vous cantonner à un type spécifique de jeux. Bref, de développer une curiosité pour le jdr et le hobby en général.

Cela étant dit, s’il était simple d’avoir un panorama à peu près complet dans les années 80-90, aujourd’hui c’est quasiment mission impossible. Donc ne vous prenez pas trop la tête si vous avez quelques zones d’ombre dans votre expertise, nous en avons tous. L’essentiel, c’est d’être conscient des différents courants de pensée et de design, d’avoir une vue assez précise de ce qui vous intéresse et d’aller voir régulièrement de l’autre côté de la barrière, afin de vérifier que vous ne manquez rien.

Et si vous faites partie de ces quelques personnes qui pensent que pour toucher la véritable originalité il faut fonctionner en vase clos et surtout ne pas aller voir ailleurs, ne perdez pas trop de temps à lire la suite de cet article. Sachez simplement que certains des plus gros désastres en termes éditoriaux et de game design de l’histoire du jdr sont le produit de ce type de pensée et d’individus qui pensaient tout savoir mieux que les autres. Créer, c’est aussi un exercice d’humilité.

Enfin, un conseil annexe : prenez du plaisir. Ça peut paraître anodin, mais si vous ne retirez pas de plaisir du fait d’écrire ou si cela devient une contrainte, il est fort probable que le résultat sera bien en-deçà de vos attentes. Ne vous laissez pas attirer dans une spirale négative de ce type. Si jamais l’écriture devient un fardeau, n’oubliez pas de revenir aux bases de ce qui vous plaît dans la création en jeu de rôle. Une campagne avec vos potes, hacker un système qui vous plaît, un historique de perso, la description d’une ville, etc.

 

Écrire pour soi vs écrire pour d’autres

La marche entre écrire pour soi et pour les autres est sans doute la plus haute. De loin. (…) Mais plus tôt vous commencerez ce type d’exercice, plus tôt vous pourrez prendre de bons plis dans la manière d’écrire.

 

Une fois la décision prise de chercher à publier ce que vous écrivez, la première et plus importante leçon va être d’apprendre la différence entre écrire pour soi et écrire pour les autres. Créer des bouts d’univers dans son coin de MJ pour son groupe habituel, écrire un historique de perso, développer un scénario dont le pitch a été écrit sur un coin de table, tous les rôlistes ou presque l’ont fait. Chacune et chacun a plus ou moins de talent à ce niveau, mais ne partez pas du principe que parce que vos groupes s’éclatent dans vos créations maisons, alors le reste de la communauté rôliste devrait adorer et ne peut s’en passer une minute de plus.

La marche entre écrire pour soi et pour les autres est sans doute la plus haute. De loin. Je ne dis pas cela pour vous décourager. Au contraire, j’aimerais vous motiver à la franchir le plus tôt possible. Il y a deux différences majeures : la transmission et les habitudes.

La transmission des informations est LE gros point à comprendre et maîtriser. Le texte d’un jdr doit transmettre efficacement une grande quantité d’informations au MJ. Concision, didactisme et clarté sont vos alliées. Ne dissimulez pas des règles importantes dans un chapitre secondaire. Ne parsemez pas des informations sur un même sujet en divers chapitres. Ne dites pas en trois paragraphes ce qui pourrait être résumé en une phrase. N’ajoutez pas des adverbes pour le plaisir. Bannissez tout ce qui pourrait être un obstacle à la compréhension.

Vous n’imaginez pas combien de choses qui vous paraissent évidentes dans ce que vous créez sont en fait du domaine de l’implicite. La personne qui lit votre jeu ou votre scénario n’est pas dans votre tête et ne peut pas vous poser de question pour éclaircir un point flou. Si les personnes à qui vous faites relire vos textes reviennent vers vous avec certaines questions récurrentes, c’est qu’il y a un problème. Inversement, il vous faut comprendre, le plus rapidement possible, que vous êtes totalement incapable de vous mettre dans la peau de quelqu’un qui lit votre texte pour la première fois. C’est rigoureusement impossible ! Et c’est là qu’il ne faut pas hésiter à faire appel à un œil extérieur.

L’autre aspect sont les habitudes de MJ. Lorsque vous écrivez pour vous-mêmes, vous assumez un tas de choses qui découlent parfois de votre propre pratique et des habitudes de vos groupes. Cela peut faire de vous un bon MJ, mais nuire à votre écriture. Pour écrire du jdr, une saine habitude est de commencer à écrire aussi vite que possible pour d’autres, ou au moins en ayant à l’esprit l’usage de vos écrits par d’autres. Il est tout à fait possible que cela rende vos écrits moins personnels. C’est un des prix à payer. Mais plus tôt vous commencerez ce type d’exercice, plus tôt vous pourrez prendre de bons plis dans la manière d’écrire.

Personnellement, j’ai eu la chance d’écrire des scénarios pour des conventions. De fait, j’ai pu voir une multitude de MJ différents, avec leurs propres pratiques, animer mes histoires pour des inconnu(e)s. J’ai vu des scènes conçues comme des scènes de transition devenir des moments d’anthologie. Des détails insignifiants devenir de vrais blocages. Des enquêtes que je pensais simples foirer bien avant que ne soit formalisée la règle des trois indices (si vous ne savez pas de quoi je parle, allez faire un tour sur l’article des 3 indices sur PTGPTB).

Mon conseil serait donc d’essayer de vous mettre dans le même genre de position. En écrivant pour des conventions si vous le pouvez, mais aujourd’hui a fortiori depuis le confinement, il y a un tas de manières de faire jouer vos créations. Via une communauté en ligne, par exemple. Essayez d’assister à une partie sans la jouer et sans intervenir. Vous pouvez aussi vous faire raconter une partie basée sur votre scénario par les participant(e)s après coup. Même avec votre groupe habituel, il est possible d’expérimenter : que l’une des personnes endosse le rôle de MJ sur l’une de vos créations à votre place. Laissez-les se débrouiller sur la base de votre texte et constatez l’écart entre ce que vous aviez en tête et la réalité de la partie. Là encore, faites preuve d’humilité : ne partez pas du principe qu’un plantage est toujours la responsabilité du MJ ou de la table. Au contraire, vous aurez plus de chance d’être dans le vrai si vous assumez toujours que c’est votre faute.

Je préfère vous prévenir : il y aura de grosses surprises et des échecs. À chaque fois vous toucherez du doigt certaines limites et cela n’aura pas de prix. Dans mon propre vécu, ça a été une épiphanie majeure et cette expérience me sert encore aujourd’hui.

 

Écrire du jdr, oui mais comment ?

Un jdr (…) c’est une série d’ingrédients (…) le produit fini n’existe réellement qu’à la table de jeu.

 

Écrire du jeu de rôle présente beaucoup de similitudes avec d’autres formes d’écriture : scénarisation, novélisation, systémisation (voire algorithmie), encyclopédie, c’est un peu tout cela à la fois. Mais c’est aussi une pratique d’écriture fondamentalement différente de toutes les autres. Il y a plein d’autres supports de l’écriture : romans, nouvelles, scénarios de films ou de télé, etc. Assurez-vous que l’écriture de jdr est bien ce que vous recherchez. Si vous débutez tous vos chapitres par une nouvelle, si dans vos campagnes certains PNJ sont intouchables et un centre majeur de l’attention au détriment du groupe de PJ, si vous prenez plus de plaisir à trouver la bonne tournure de phrase qu’à avoir une règle fonctionnelle et claire, alors le jdr ne devrait peut-être pas être votre plan A.

Car s’il y a une spécificité à l’écriture de jdr, c’est que vous n’êtes pas censé livrer un produit fini qu’il n’est plus possible d’altérer. Un jdr, c’est une boîte à outils avec éventuellement quelques modèles déjà prêts, c’est une série d’ingrédients avec peut-être quelques recettes prêtes à déguster. Mais le produit fini n’existe réellement qu’à la table de jeu et vous n’en aurez pratiquement jamais connaissance.

Une chose qui distingue radicalement l’écriture de jdr est que l’auteur ou l’autrice n’a aucun contact direct avec une large majorité de son public. Dans une majorité de jdr, nous passons par une interface appelée MJ, dont dépend largement l’usage de nos écrits. Je laisse volontairement de côté l’écriture de jeux sans MJ, qui a elle aussi ses propres spécificités, que je ne maîtrise pas du tout pour être honnête.

Vous pouvez écrire le meilleur système du monde, mais si MJ ne le comprend pas ou décide de changer une pièce fondamentale du meccano, sa table ne jouera pas à votre système, mais au sien. Vous pouvez décrire avec soin un univers et des PNJ époustouflants, mais si MJ décide de mixer votre création avec les Teletubbies, sa table ne saura sans doute rien de votre bel univers. Vous pouvez écrire et planifier le meilleur scénario du monde, avec le retournement de situation de la mort qui tue, mais si MJ se foire sur les indices dès la première scène, peut-être que sa table le trouvera naze, votre scénario. Bref, vous saisissez, je pense.

(…) une proportion non négligeable (de votre public) ne vous lira que dans le but de torturer votre création pour en faire… autre chose

La morale de tout cela est la suivante : abandonnez d’ores et déjà toute idée de vous faire reconnaître comme un grand auteur (ou autrice) en écrivant du jeu de rôle. À vue de nez, 10 à 15% seulement de votre public (MJ) lira effectivement ce que vous écrivez. Et une proportion non négligeable de ce pourcentage ne vous lira que dans le but de torturer votre création pour en faire… autre chose. Bien entendu, vous pouvez parsemer votre jeu de nouvelles rocambolesques ou de descriptions splendides, de bons mots et d’interjection à l’égard du lecteur ou de la lectrice. Vous pouvez même adopter un style littéraire plein d’emphase et parsemer le texte de mots savants. Mais vous ne tromperez personne. Tout ce que vous risquez est de perdre votre public potentiel qui, à la réflexion, pensera que vous auriez mieux fait d’écrire un roman plutôt que du jdr.

Gardez aussi en tête qu’écrire un jeu, un système de règles, un scénario ou une campagne de jdr impliquent des compétences distinctes. Or il est toujours difficile d’être bon en tout. Si vous vous découvrez meilleur scénariste ou meilleur concepteur de système, sachez exploiter vos forces plutôt que de vous mettre dans des situations où vos faiblesses deviennent des limites. En cela, l’écriture à plusieurs peut être d’une grande aide, et un véritable stimulant pour vos idées.

Un auteur ou une autrice de jeu de rôle n’est pas maître(sse) de sa création. Votre rôle principal est de faire gagner du temps à MJ et de permettre à MJ et aux PJ de briller dans des scènes mémorables qui s’appuieront très indirectement sur vos écrits. Ce qui ne signifie pas pour autant que tous les jeux de rôles se valent. Il y a, dans l’écriture d’un jdr, des choses à faire et à ne pas faire. Et voilà selon moi quelques trucs qui distinguent les premières des secondes.

Transmission des informations. Bis repetita. Un bon jdr transmet efficacement les informations importantes concernant son univers, ses scénarios et son système de jeu. Si vous faites tester votre jeu et que MJ est incapable de se souvenir de la règle de base de résolution, retournez à la table à dessin.

Lecture vs. Utilisation en jeu. La première lecture de votre jeu doit être agréable, c’est une évidence. Mais cette première lecture est très anecdotique dans l’utilisation réelle d’un jdr. Si celui-ci fait partie des heureux élus adopté par une table, votre texte va devoir répondre à une autre sorte d’utilisation : la référence pendant ou entre les parties. C’est là que l’organisation des informations entre en jeu. Et peut faire la différence entre un jeu qui survivra à sa première campagne ou non. Triez avec soin les informations présentes dans chaque chapitre. Sachez utiliser des outils comme les renvois, les exemples et un index. La maquette est une indispensable alliée dans ce domaine, mais la maquette ne vous sauvera jamais si le texte lui-même est mal organisé. Testez des chapitres tels que celui de création de personnage ou le chapitre expliquant le système de résolution, afin d’être certain que les informations pertinentes sont aisément accessibles. Testez les chapitres de listes pour voir si les joueurs trouvent facilement ce dont ils ont besoin. Etc.

Le style. Vous n’écrivez pas un roman. Votre jeu de rôle ne sera jamais digne du Goncourt ou même de prix littéraires moins prestigieux. MJ (et encore moins sa table) ne jugera pas votre jeu sur la base de ses qualités littéraires. Le style doit s’effacer devant l’efficacité de la transmission des informations. Si une information est mieux transmise sans aucun ajout de style (cela inclut les tableaux, les listes à puce et autres joyeusetés qu’on ne voit jamais dans un roman), alors laissez tomber la littérature. Un texte ampoulé n’éclairera pas mieux MJ. Encore une fois, sans jugement de valeur aucun, si pour vous le style est prioritaire sur tout le reste, le jdr n’est pas le bon média pour vous.

Le jargon. Une problématique connexe au style. En écrivant, le dictionnaire des synonymes va rapidement devenir un allié. C’est de bonne guerre. Mais jamais cela ne doit vous pousser sur la voie du jargonnage. Et je classe sous ce terme deux sortes de fautes. Premièrement, l’absence de cohérence dans la terminologie. Deuxièmement l’excès de jargonnage. Dans les deux cas, c’est la prise en main du jeu par MJ qui sera grandement gênée.

La cohérence des termes est essentielle à la bonne compréhension de votre jeu. Surtout en matière de système, vous devez absolument être clair sur le sens des mots employés et leur utilisation. Lorsqu’un terme appartient au glossaire de votre jeu, son utilisation devrait être extrêmement contrôlé. C’est une bonne idée, par exemple, de s’assurer qu’il est toujours utilisé dans le même contexte. N’utilisez jamais non plus deux termes différents pour le même concept.

L’excès est une tout autre problématique. Lorsque vous écrivez un jdr, vous allez avoir besoin d’habitude d’un certain nombre de termes « réservés ». Selon la technicité et la taille du jeu, cela peut aller d’une petite douzaine à quelques dizaines. Si vous faites ça bien, les termes choisis devraient couler de source, ainsi que leur utilisation. Dans le cas contraire, vous pouvez vous retrouver avec une surabondance de termes et/ou des termes confus pour lesquels il faut se référer sans cesse aux règles.

Le système. Il vous faut être carré, précis et disposer d’une certaine connaissance des probabilités. Si pour vous, lancer 1d12 ou 2d6 c’est la même chose, alors réfléchissez à deux fois avant de concevoir un système de jeu, ou faites-vous aider. Au-delà de la conception elle-même, l’écriture d’un système de jeu de rôle est un exercice difficile et piégeux. Un système mal écrit, c’est la garantie de perdre beaucoup de monde en route. Plus encore que dans la description de l’univers, la concision, le didactisme et la clarté sont de mise.

La scénarisation. Lorsque vous écrivez un scénario, rappelez-vous que vous êtes au service de MJ, qui n’est pas un simple lecteur. C’est MJ qui va transcrire votre histoire à sa table auprès de ses PJ. Facilitez-lui le boulot autant que possible. Exemple ? Je vois à l’occasion des scénarios rédigés pour surprendre le lecteur avec un retournement de situation en fin de scénar. Un retournement de situation dans un scénario de jdr, il devrait être explicité dans les premières lignes de son résumé. Si vous dissimulez ça au fin fond du texte pour faire la surprise à MJ, vous vous trompez sur le rôle de votre scénario et sur votre propre rôle.

 

Petits trucs techniques

 

  • N’écrivez JAMAIS au futur. Ça nuit à l’immersion de la personne qui lit ET ça va vous poser de vrais problèmes de concordance des temps dans certaines phrases. Écrivez au présent de l’indicatif.
  • Donnez autant de clés que possible pour le scénario au début (synopsis, PNJ majeurs, intrigue, surprises, etc.). Vous êtes là pour aider MJ, pas pour le/la surprendre
  • N’utilisez pas de traitements de texte open source, surtout si vous comptez travailler en équipe. Pour de l’écriture partagée sans mise en forme, des outils en ligne type google doc sont extrêmement efficaces, à moins de dépasser le million de signes, après quoi ils commencent à ramer un peu.
  • Apprenez à utiliser les niveaux de titre et les styles standard. Je parle bien sûr pour de l’écriture avant relecture. Pour de la mise en forme et en maquette, c’est un autre problème. Mais vous ne devriez pas faire de mise en forme avant relecture.
  • Conservez une version de référence de vos textes sans aucune mise en forme ou presque. Si vous travaillez avec un éditeur, c’est cette version qui sera attendue, si vous publiez vous-même, cette version vous permettra de retravailler le texte en cas de besoin sans avoir à vous soucier de mise en page.
  • Apprenez à utiliser les outils que les traitements de texte moderne vous fournissent. Tel que… le correcteur orthographique. Lorsqu’on écrit un texte au kilomètre, on laisse passer beaucoup de fautes anodines. Certaines personnes peuvent aussi avoir un problème avec l’orthographe sans pour autant que leur prose n’en vaille pas la peine. Mais essayez de penser à la personne qui va vous relire. Des fautes trop nombreuses peuvent vraiment nuire à son travail autant qu’à son plaisir de vous lire. Donc prenez le temps de lisser votre texte autant que possible.
  • Apprenez la différence entre un retour à la ligne et un retour paragraphe. Et sachez que dans un texte tel qu’un scénario de jdr, vous ne devriez quasiment jamais avoir à faire un simple retour à la ligne.
  • À de rares exceptions près, un paragraphe d’une phrase signifie probablement que votre phrase est trop longue, ou qu’elle devrait appartenir au paragraphe précédent (ou suivant). Apprenez à utiliser les paragraphes afin de faciliter la lecture et la recherche d’informations. Idéalement, chaque paragraphe devrait porter une et une seule information principale.
  • Donnez des motivations à vos PNJ AVANT de leur donner un rôle dans le scénario. Ce sont leurs motivations qui doivent les pousser à agir, et non le contraire. Une motivation cohérente, MJ peut l’utiliser à sa guise. Une action incohérente, c’est juste un obstacle.
  • N’assumez pas que les PJ vont faire ce qui est nécessaire pour le scénario. Donnez-leur plutôt une raison de le faire ! Donnez des branches à MJ auxquelles se raccrocher avec ses PJ.
  • Partez du principe que les joueurs (et les PJ) sont méfiants. Scooby Doo, en jdr, ça ne fonctionne pas, les méchants se feraient dégommer dans les premières minutes la plupart du temps.
  • Évitez la répétition de scènes dont les enjeux et le déroulement sont trop similaires dans un même scénario. Si deux scènes se ressemblent trop, changez-en une ou débarrassez-vous-en.

 

Ces erreurs, tout le monde les fait à un moment ou un autre. Apprenez à les gommer et à vous en débarrasser. Pour progresser. Car l’important n’est pas d’être parfait. L’important, c’est simplement de faire mieux que la fois précédente, et moins bien que la fois suivante !

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Écrit par Thom

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3 commentaires

  1. « N’utilisez pas de traitements de texte open source, « … il existe des alternatives crédibles à Google Docs.
    OnlyOffice et Colabora sont opensource et permettent une collaboration intuitive est simple à l’aide de Nextcloud. Tout le projet Bubblegumshoe, à part pour la mise en page, a été travaillé sur du logiciel opensource : OmegaT pour la traduction avec un dépot GIT pour la synchro entre les traducteurs (le client GIT est intégré à OmegaT et la synthèse par Gitlab permet de se donner une idée très précise du temps passé), les documents sont ensuite partagés sur Nextcloud et édités à l’aide d’un OnlyOffice interfacé dessus.