Et oui, D1000etD100 semble avoir gagné un peu d’audience ces derniers temps puisque les hommes en noir nous ont gentiment proposé un entretien avec l’auteur qui a piloté l’évolution du JdR français le plus joué de cette dernière décennie : Laurent Bernasconi.
Chroniques Oubliées (CO) ? Vous connaissez ? A l’origine, c’est un JdR médiéval-fantastique qui est né dans le contexte particulier de la fin des années 2010. Donjons et Dragons basculait vers une version 4 moins appréciée tandis que Pathfinder gardait le temple avec une philosophie de jeu particulière, qui n’était pas forcément « accessible à toutes et tous ». Un jeune éditeur lyonnais (BBE) tente de combler le vide en créant Chroniques Oubliées (CO). Depuis ? CO a été cinq fois réédité ; le système de règle a été torturé pour être décliné en de multiples versions (contemporaine, spatiale, monstrueuses, adaptation BDs). Au cœur de ce maelstrom créatif se trouve l’homme qui vous a fait rouler des tas de d20 : Laurent Bernasconi ! En compagnie d’Anthony Bruno, le plus lumineux des Hommes en Noir de BBE, nous avons profité d’une après-midi aoutienne caniculaire pour discuter : parcours personnels, avenir du jeu de rôle, évolution de la gamme Chroniques oubliées et surtout : découvrir le projet Chroniques Oubliées Fantasy V2 (COF2) en précommande participative à partir de mardi 29 juin 2023 à 19h.
Partie 1 : Chroniques d’un auteur oublié ?
Sebastien Fajal (S.F.) : Alors, Laurent, parlons un peu de toi : ça fait quel effet d’être l’auteur de JdR français le plus lu depuis CROC ?
Laurent Bernasconi (L.B.) : Je ne m’étais jamais posé la question…
Anthony Bruno (A.B.) : Oui, moi non plus. Effectivement, avec ses différentes déclinaisons, les boîtes d’initiations, les livres… Chroniques Oubliées est presque à plus de 100 000 exemplaires vendus…
L.B. : Ça fait plaisir mais il faut relativiser. Le JdR reste un jeu de niche : personne ne m’arrête dans la rue pour signer un autographe. Il est arrivé que des amis, d’autres adultes, me disent que leurs enfants font du jeu de rôle et que peut-être ils ont vu mon nom sur une des livres. D’ailleurs, ça me rappelle une anecdote. Au moment du lancement de la boîte Chroniques Oubliées Cthulhu, j’ai rencontré Maxime Chattam. Je le connaissais de nom mais je n’avais jamais lu un de ses romans. Par honnêteté, je lui ai dit : « Enchanté, Maxime Chattam, je suis désolé, je n’ai rien lu de toi ». Il m’a répondu : « Mais moi, je t’ai bien lu ».
L.B. : Enchanté, Maxime Chattam, je suis désolé, je n’ai rien lu de toi ». Il m’a répondu : « Mais moi, je t’ai bien lu »
S.F. : Tour à tour enseignant, auteur et illustrateur : quel effet cela fait d’être devenu Monsieur Chroniques Oubliées ?
L.B. : Alors, illustrateur, je l’ai un peu été au début mais ce n’est pas mon talent. Pour Chroniques Oubliées, c’est plaisant. A l’origine, j’étais un client du premier format de COF. J’y ai vu un potentiel certain pour l’initiation et plus encore. J’ai commencé à bidouiller et écrire pour l’adapter. D’ailleurs, j’avais appelé ça CO2… C’est une blague digne de la confrérie des profs d’EPS blagueurs.
L.B. : D’ailleurs, j’avais appelé ça CO2… C’est une blague digne de la confrérie des profs d’EPS blagueurs
S.F. : Une question que la France entière se pose (ou devrait se poser) : pourquoi « Kegron » ?
L.B. : La réponse est la même que pour beaucoup d’autres auteurs de notre milieu. Dans un entretien, Henri Loevenbruck disait que les pseudos des amis avec lesquels il jouait venaient souvent de leur premier perso de JdR. C’est pareil pour moi, Kegron était un personnage gros bill que j’ai monté sur Advanced Dungeon and Dragon. En JdR, j’ai commencé par la boîte rouge de Donjons et Dragon. Il faut se remettre en tête la façon dont on jouait à l’époque : tu entrais dans un club de Jdr, un MJ te donnait un personnage de bas niveau dans un groupe d’habitués qui avaient facilement deux à trois niveaux de plus que toi. Ton personnage, il ne tenait pas longtemps… C’était une autre façon de jouer. Kegron, c’est le premier qui est monté à haut niveau.
L.B. : Il faut se remettre en tête la façon dont on jouait à l’époque : tu entrais dans un club de Jdr, un MJ te donnait un personnage de bas niveau dans un groupe d’habitués qui avaient facilement deux à trois niveaux de plus que toi. Ton personnage, il ne tenait pas longtemps…
S.F. : Quels regards, quelles analyses vous portez sur les évolutions récentes du JdR ? Vivons-nous un âge d’or ? Risquons-nous de voir une bulle éclater ?
L.B. : Pour parler des crises récentes, l’OGL-Gate a bien perturbé le monde du JdR mais au final, cela semble plus ouvert pour les acteurs du milieu. Le terme « âge d’or », il parle à une certaine génération de rôliste. Actuellement, les principaux consommateurs de JdR sont issus d’une génération arrivée à maturité : ils disposent des moyens et du temps pour profiter de leur loisir. Concernant l’évolution du JdR, je dirais qu’elle va dépendre de l’évolution de notre monde. Prenons les enjeux contemporains : Est-ce que le développement des Intelligences Artificielles va bouleverser notre façon de jouer ? Allons-nous vers des MJ virtuels ? Ensuite, il faut aussi traiter la chose sous l’angle des ressources. Si le choix de notre monde est de continuer à consommer pour produire et développer, comme pour les IA, alors le visage du JdR va changer. Cependant, si on observe bien : le JdR reste un jeu peu consommateur de ressources. Quelques livres, des crayons, des dés et tu peux jouer des centaines d’heures. Si notre monde fait le choix de la sobriété vis-à-vis de ses ressources, alors le JdR est un loisir totalement adapté à cet avenir.
A.B. : Je ne dirais pas mieux. Le jeu de rôle a connu un creux générationnel entre ceux qui sont aujourd’hui bien insérés, dans le monde du travail et la vie familiale, et qui ont maintenant les moyens d’entretenir leur passion… et donc la production. J’ajouterais que le profil du rôliste a évolué. Les rôlistes d’avant l’an 2000 avaient un côté transgressif, ce qui a inquiété la société de l’époque. Parmi les gamins qui jouaient à l’époque, on trouve des gens aux origines très diverses, y compris des « sales gosses » loin d’être les premiers de la classe. Maintenant, alors que le JdR redevient tendance, il s’adresse peut-être par sa nature davantage aux « bons élèves, tout simplement parce que la base reste la lecture et pas la consultation d’écrans.. Ses qualités sont pourtant reconnues : pour développer les « soft skills », la sociabilité, déconnecter des écrans… (NDLR : Soft skill est un terme englobant qui désigne l’ensemble des compétences sociale, relationnelle, empathique, éthique…)
Pour parler de l’avenir du JdR, il viendra du modèle économique choisi. En France, le marché du jeu de rôle est encore très marqué par l’achat de produits physiques : les livres, les accessoires et les aides de jeu. Aux Etats Unis, c’est un marché qui s’est très largement, voire majoritairement numérisé. Ensuite, le recours aux précommandes participatives est aujourd’hui essentiel pour la pérennité du secteur. Tant que ces deux facteurs là tournent, la situation actuelle prévaudra. Cependant, comment souhaitons gérer nos ressources à l’avenir pour être plus économe ? Il faudra faire des arbitrages. Enfin, allons-nous continuer à vendre des livres aux générations qui nous succèdent ? Le livre, il a l’avantage de rester simple et d’être réutilisable
L.B. : C’est vrai que les populations de rôliste ont évolué ces dernières années. Pendant longtemps, les joueurs que je fréquentais étaient des scientifiques qui aimaient les chiffres et la simulation. Le jeu que j’ai pratiqué étant jeune regroupait surtout des garçons autour des tablées. Je trouve ça excellent que le loisir se soit démocratisé et mettent en avant de nouvelles façons de jouer et surtout plus de joueuses. En fait, c’est aussi la façon d’écrire et d’imaginer la fantasy qui a nous a permis de sortir de ces considérations de « gros billisme ».
L.B. : Quelques livres, des crayons, des dés et tu peux jouer des centaines d’heures. Si notre monde fait le choix de la sobriété vis-à-vis de ses ressources, alors le JdR est un loisir totalement adapté à cet avenir.
S.F. : Laurent, tu as déjà envisagé de poursuivre dans un des formats à la mode du JdR ? Actual play, Podcast, partie en live …
L.B. : Nous avons fait un Let’s play sur COF2. Deux parties ont été tournée et seront diffusées. La première au début de la précommande participative le 29 aout et l’autre le mardi suivant. J’y suis joueur. J’avoue que ça n’a pas été un exercice simple. Déjà, parce que je ne suis pas souvent joueur. Ensuite parce que tu dois intégrer les consignes du « show » dans ta façon de jouer : montrer que tu as compris, regarder à tel ou tel endroit. Après, jouer ainsi, n’est pas mon but et mon plaisir. J’aime bien écrire et jouer avec mes potes. D’ailleurs l’aspect « réseau social » m’intéresse moins. Par contre, je suis très présent sur le site du forum de Black Book pour répondre, discuter et découvrir avec la communauté. Les échanges y sont super positifs.
A.B. : Sur COF2, les deux parties diffusées sont des Let’s Play : elles veulent permettre de découvrir et présenter l’univers et les règles. Nous y rentrons plus dans la mécanique et moins dans l’interprétation. Nous envisageons de tourner un épisode en « actual play », plus centré sur une histoire et des personnages par la suite, sans doute avec l’équipe de Rôle’n Play !
S.F. : Question un peu lourdingue : DD5, Role N’Play, Dragons (Fateforge)… Vous pensez qu’il y a encore une place pour un JdR médiéval-fantastique en France ? Vous ne craignez pas que les joueurs se cannibalisent ? (Symboliquement parlant bien sûr…)
L.B. : Alors juste pour faire le malin, je te répondrais que je ne suis pas sûr qu’il y ait de la place pour les autres jeux avec COF !
A.B. : Il y a énormément de jeux médiéval-fantastique. Ils sont nombreux à être membre d’une grande engeance, née d’un même ancêtre. Cependant, les chiffres sont têtus : les rôlistes achètent, lisent, jouent et collectionnent du médiéval-fantastique. On a aucune inquiétude sur le fait que ça ne se cannibalisera pas. CO est une marque forte et bien établit en France. On espère que ce soit un succès et si ça ne l’est pas, ce ne sera pas à cause du thème. Il est important de noter comment COF2 se démarque : un nouveau parti pris esthétique et une proposition ludique.
(NDLR : Nous n’avons pas eu le temps lors de l’entretien de développer sur les choix esthétiques de cette nouvelle édition. Les illustrations déjà diffusées montrent des personnages au style bande dessinée, tirant vers le dessin animé, plus proche de l’ambiance « grande aventure » souhaitée par l’auteur. Observez les illustrations choisies pour cet article pour mieux imaginer. Le roster des illustratrices et illustrateurs dévoilé compte Irina Fidler à la couverture ; Aleksa Drageljevic aux personnages iconiques ; Laura Galiano, Jérémy Forveille, Omer Tunç, Aurore Folny et d’autres qui seront annoncés lors de la précommande participative.
A.B. : Les chiffres sont têtus : les rôlistes achètent, lisent, jouent et collectionnent du médiéval-fantastique.
Phase 2 : Le Chroniques Oubliées Extended Universe (COEU)
Né des plumes de Raphaël Bombayl, David Burckle, Damien Coltice et donc, Laurent Bernasconi, Chroniques Oubliées est développé dans les numéros de Casus Belli dès 2009. Le jeu a trouvé un public et frappé fort en proposant une boîte d’initiation pleine comme un œuf de pâques. Le projet s’est étendu : livre de règle, campagnes devenues légendaires (Anathazerïn, Invincible, Tombeau d’Andromède…). La gamme s’est depuis déclinée en version contemporaine ; galactique ; pour jeune public mais de multiples déclinaisons comme Terres d’Arran ; Commando Barbare ; Monstres ; les Légendaires. D’autres éditeurs utilisent le moteur Chroniques Oubliées pour leurs jeux comme Batman Chroniques de chez Monolith et Bitume de Raise Dead… La revue Casus Belli publie régulièrement des expériences autour de nouveaux univers de jeu : invasion Alien dans Menace X ; 1er Empire napoléonien… J’avais moi-même opéré une conversion « moyen âge » en m’inspirant de Joan Of Arc. Le nombre de MJ français qui ont bidouillé CO doit être hallucinant.
S.F. : Peut-on parler d’un Chroniques Oubliées Extended Universe ? Et Laurent, où vas-tu emmener Chroniques Oubliées à l’avenir ?
A.B. : Chroniques Oubliées est plus un moteur, une mécanique, une philosophie de jeu plutôt qu’un univers. Alors oui, tu pourrais fantasmer un mash up des univers CO avec des personnages des différentes itérations qui se battraient comme certains éditeurs de jeux vidéo l’ont fait avec leurs univers… mais ce n’est vraiment pas la philosophie et l’esprit du jeu
L.B. : Le système de jeu CO est plutôt un jeu polymorphe : tu peux le décliner pour tous les univers. C’est aussi ça qui fait son succès. Pour le moment, je vais me concentrer sur le développement de COF2. Parmi tous, c’est la fantasy qui reste mon thème préféré. Après, tant qu’on aura l’envie et la motivation, on développera d’autres univers. Peut-être d’ailleurs que certains sont déjà sur le grill…
A.B. : En interne, nous sommes toujours face à ce même choix : soit nous approfondissons une gamme liée à CO ; soit nous diversifions davantage pour balayer la multiplicité des univers imaginaires. Il y a un équilibre à donner entre les deux. Dans l’immédiat, COF2 devrait être une des plus grosses précommandes participatives de BBE pour 2023. A moyen terme, notre objectif est de développer les gammes actives. Cthulhu Origines va connaitre des retards dû à la nécessité pour les auteurs de se mettre en retrait. Medhi Sahmi, déjà actif sur Chroniques Oubliées Contemporain a repris le projet. Pour les Terres d’Arran, nous avons une actualité avec l’arrivée d’une troisième boîte dédiée aux peuples Orcs et Gobelins ainsi qu’une campagne ; Chroniques oubliées galactiques vient se sortir et va poursuivre son développement… Bref, on a déjà pas mal de choses à faire.
A.B. : Tu pourrais fantasmer un mash up des univers CO avec des personnages des différentes itérations qui se battraient mais ce n’est pas la philosophie et l’esprit du jeu.
S.F. : Moi personnellement, Chroniques Oubliées m’a servi pour les initiations et le Club : tu as envisagé ce rôle pour COF2 ?
L.B. : L’initiation, transmettre la flamme reste un des objectifs. Je voulu cette version simple, même si elle sera plus complexe que la version Mini et les Légendaires, plutôt destinées au jeune public. Par la suite, nous devrions envisager une boîte puisque c’est ce qui a contribué au succès de la première édition. Par contre, le travail n’est pas le même.
Partie 3 : Chroniques Oubliées Fantasy 2, une nouvelle ère ? (entrons dans le bouzin)
S.F. : Comme professeur d’histoire, j’ai l’habitude de gérer mes sujets en posant la question « rupture et continuité ». Pour COF2, quelles sont les continuités ?
L.B. : La principale continuité est dans les grands principes du jeu. Les mécaniques ne changent pas. Tu choisis ton peuple ; tu l’orientes vers une des quatre familles de profils (combattant, aventurier, mystique, mage) ; tu configures ton personnage en choisissant parmi les différentes voies. Enfin, tu roules ton d20 et tu ajoutes le bonus de caractéristique pour dépasser un seuil.
Ensuite, il est possible de jouer les aventures de version 1 avec la version 2 sans même changer les blocs de statistiques ou alors à la marge. Une question à laquelle j’ai accordé de l’attention est l’adversité. Une des critiques qui collaient à la première version était la faiblesse des adversaires dans les niveaux intermédiaires : les joueurs optimisés pouvaient rouler sur les monstres. Pour cette version, j’ai rendu plus difficile les oppositions : pour les PJ, les bonus d’attaques sont moins nombreux et la Défense augmente lentement. Toutefois même, si l’adversité y est plus relevée ; ce ne seront pas les combats de Chroniques Oubliées Contemporain. Enfin, l’évolution par niveau reste ; chaque palier permettant d’acheter des points à répartir dans les voies de son personnage.
S.F. : Passons aux ruptures : des caractéristiques, des voies, du D20, ça on gère mais là, on a quoi de plus ?
L.B. : Dans le domaine des caractéristiques, j’ai scindé la traditionnelle SAGESSE en PERCEPTION et VOLONTE. Il y en a donc sept caractéristiques et nous tranchons ainsi ce vieux débat hérité du plus vieux des jeux de rôle. Elles sont définies par des valeurs, positives ou négatives, qui remplacent les scores de 1-20. Cela permet de gagner en fluidité. Les points sont à répartir, j’ai écarté les tirages au hasard car, cela aussi, m’a souvent apporté des retours inquiets des nouveaux joueurs face aux déséquilibres que cela peut engendrer.
J’ai fait le choix d’intégrer des anciennes règles avancées dans les règles de base. Les personnages disposent de points de MANA et des points de CHANCE. Dans les premières versions de CO, ces points de chance et de mana n’étaient pas inclus. Avec les nombreux retours, cette liberté pouvait déranger le MJ moins expérimenté. Il se retrouvait confronté à des personnages pouvant user de leurs pouvoirs et capacités les plus puissantes à volonté. Les joueurs pourront donc utiliser leurs jetons et accessoires pour représenter leurs jauges de pouvoirs. Cependant, le jeu restant modulaire, je propose des encadrés pour revenir à cette ancienne version.
Il y a un élément qui n’est pas anodin car il a généré, et génère encore, des incompréhensions. J’ai rebaptisé les traditionnels « points de vie » en « point de vigueur ». Le but est de changer notre façon d’interpréter les chocs que subissent les personnages. Oui, c’est toujours étrange d’imaginer qu’un guerrier, avec une épée en travers du ventre, continue à se battre parce que « il lui reste 30 points de vie ! ». C’est drôle d’ailleurs, parce que ce débat vient des origines de Donjons et Dragons (DnD), qui utilisait le terme de Hit Point (HP). D’ailleurs, DnD est un jeu narratif à la base : perdre des PV n’implique pas des blessures graves. Ce sont les simulationnistes y ont vu une gestion des « blessures » et ont faussé notre interprétation avec la traduction biaisée de « Hit Point » en « Point de Vie ». Le point de Vigueur veut représenter la gestion de la fatigue, du moral et de l’énergie : c’est un système d’attrition. Il faut se dire que COF2 se veut un jeu d’aventures, il n’émule pas la vraie vie. Les personnages se battent avec du mouvement, de l’énergie qui crépite et les coups peuvent être cinématique. On n’y cherchera pas la réalité de la gestion d’une fracture ou d’une plaie. Le personnage sera vraiment en danger de blessure quand il sera à « 1 PV ». Cela représenterait l’épuisement et la panique d’un personnage à bout. Je voulais aussi éviter l’effet « boule de neige » d’un combat qui se dégrade alors que ta « vie » baisse et que tu empiles les malus.
L.B. : Il faut se dire que COF2 se veut un jeu d’aventures, il n’émule pas la vraie vie (…).On n’y cherchera pas la réalité de la gestion d’une fracture ou d’une plaie
S.F. : Pour cette édition, vous proposez un univers propre, Osgild et sa métropole centrale, Ferrance. Est-ce un choix de la rédac’ ou la pression du public ? Et pourquoi pas Alarian ou Laelith ?
L.B. : C’est un peu tout à la fois. Choisir un setting n’était pas une priorité dans la première édition. On ne savait pas encore où on voulait aller. Puis, les années passant, c’est devenu nécessaire d’assoir un univers. Ensuite, c’est dû à ma façon de travailler. Quand j’écris, je crée d’abord une aventure, une histoire et je ne m’intéresse qu’après à l’univers qui se trouve autour. Or, les campagnes précédentes ont permis de poser les bases d’un univers. Il était donc à la fois possible et utile de regrouper, sous la forme d’un atlas, les différentes informations de l’univers d’Osgild. Et puis, pourquoi Osgild ? Parce que c’est celui que je maîtrise le mieux ! Je ne voudrais pas marcher sur les plates-bandes de Jean Marie Noël dans Laelith !
S.F. : Passons à une question récurrente des débats des réseaux sociaux : envisagez-vous des déclinaisons pour le numérique ?
A.B. : Sujet complexe ! Le cœur du modèle économique de BBE reste de vendre du papier et des livres. Nous sommes surtout un éditeur. Le format PDF est un service en plus que nous proposons, y compris à la vente. Contrairement au marché US, où les produits numériques ont un prix relativement élevé par rapport à leur équivalent physique, les clients français estiment qu’un produit numérique a peu de valeur. Mais si les rôlistes n’achètent que des PDF peu chers, tu ne pourras pas amortir tes coûts de développement : écriture, illustration, mise en page… A chaque fois que nous avons proposé une contrepartie « PDF seul » dans un financement participatif, ça n’a pas vraiment fonctionné : la somme levée ainsi était infime par rapport aux besoins. Notre logique est donc de proposer les PDF seuls à la vente, mais plus tard. Je vais donner une exclusivité : nous avons prévu d’offrir, gratuitement, le PDF du livre de règles de COF2 une fois que la précommande participative sera terminée, le projet financé et les backers livrés. C’est un choix assumé, risqué mais qui veut montrer que, si la communauté suit, nous, aussi, on peut suivre à notre façon
Pour les tables virtuelles, il faut se dire que ce n’est pas notre cœur de métier. C’est de la programmation et cela nécessite des budgets, des intervenants spécialisés, et une base de clientèle prête à payer pour ce service et avouons-le, nous n’avons pas à ce jour trouvé le modèle économique pour cela : les quelques expériences que nous avons menées nous montrent que le retour sur investissement n’est pas du tout évident. Jusqu’alors, l’adaptation en format table virtuelle est faite par une active et généreuse communauté de passionnés sur un principe non lucratif, et on cherche comment professionnaliser tout cela pour que chacun y trouve son compte : les gens qui bossent dessus, l’éditeur, l’ayant-droit et les clients. Pour l’instant, on n’arrive pas encore à résoudre l’équation, même si on a bien conscience que l’avenir se jouera en partie sur cet aspect. Enfin, il y a une autre problématique. COF2 ne sera pas couvert par la fameuse OGL. Nous devons donc mener un travail de définition de ce qui sera disponible librement et de ce qui constituera du « closed content » propriétaire dans COF2 – tout comme nous l’avions fait pour COF1, si ce n’est que c’était plus simple à l’époque avec la licence existante.
En d’autres termes : on a le numérique en ligne de mire, mais tout n’est pas encore au point, et c’est un chantier que nous pourrons ouvrir une prochaine fois, après avoir assuré les bases budgétaires et légales.
A.B.: Je vais donner une exclusivité : nous avons prévu d’offrir, gratuitement, le PDF du livre de règles de COF2 une fois que la précommande participative sera terminée, le projet financé et les backers livrés. C’est un choix assumé, risqué mais qui veut montrer que, si la communauté suit, nous, aussi, on peut suivre à notre façon
S.F. : Ok, alors, j’ai « Terres d’Arran », j’ai « Commando Barbare », j’ai « Les Légendaires » : je dois prendre le all-in CoF2 ?
L.B. : Oui, tu prends le All-in day one !
A.B. : Dans ce que la précommande participative va proposer, plusieurs options sont proposées dès le départ pour faire monter la cagnotte. Nous en avons prévu d’autres déblocables. Le but est d’atteindre un nombre de participant critique pour faire des économies d’échelles. Ensuite, palier par palier, nous proposerons des options qui ne peuvent être rentables qu’à partir d’un certain seuil. A la différence à nos financements participatifs habituels, nous allons proposer une grande modularité dans les offres, avec un ticket d’entrée très abordable. Nous faisons le pari qu’un grand nombre de participants répondront présent et permettront ces économies d’échelles pour en sortir des coûts intéressants. Donc oui, tu prends tout, plusieurs fois, et tu te régales.
S.F. : Un petit jeu pour terminer. Voici deux propositions. Tu dois en choisir une et nous expliquer pourquoi. Tu peux botter en touche mais il faut que l’esquive soit belle !
Sortie en VTT ou Partie de JdR ?
L.B. : Sortie en VTT sans hésiter ! Et je parle bien sûr de vélo et non pas des tables virtuelles.
A.B. : VTT !
Choucroute ou Flammekueche ?
L.B. : Miam ! Flammekueche, sans hésiter !
A.B. : Pizza ! Comment ça je n’ai pas le droit ?
Elfe ou Nain ?
L.B. : Je réponds Nain ! D’ailleurs, dans le Let’s play, je joue un bon nain grincheux qui tance l’elfe de la tablée !
A.B. : Nains ! Parce que j’ai la joie d’être joueur sur la boite Terres d’Arran et que je n’ai pas (encore) joué la boite Elfes.
Sorcier ou Nécromant ?
L.B. : Après débat, nous avons choisi le terme de Sorcier plutôt que Nécromant. Bref, le profil du mage qui fait de la magie douteuse.
A.B. : Nécromant, c’est plus prometteur.
Sagesse ou Perception ?
L.B. : Du coup, ce sera plutôt perception, ajouté à Volonté !
A.B. : Perception j’en ai pas mal, Sagesse j’ai abandonné en sixième.
Test avec avantage ou relance ?
L.B. : Je préfère choisir un dé bonus. Même si statistiquement, il vaut mieux une relance ! Enfin, ça dépend de la règle… Attends, elle n’est pas simple cette question en fait !
A.B. : Plus de dés ! Alors avantage !
Difficulté fixe ou Difficulté roulée ?
L.B. : Difficulté fixe ! En tant que MJ, tu sais où tu vas au moins.
A.B. : Oh purée, je n’ai pas compris, ça craint ! Tu veux dire, est-ce que je détermine les difficultés en lançant un dé ? Jamais. Par contre je joue sans écran, mes joueurs peuvent voir tous mes jets, je ne triche jamais.
Nuit blanche Star Wars ou Seigneur des Anneaux ?
L.B. : Mon goût pour la fantasy me fait dire le Seigneur des anneaux
A.B. : Argh… allez Seigneur des Anneaux quand même. Mais j’ai adoré Andor, vraiment.
Question de vieux rôliste : Bloodlust ou Stormbringer ?
L.B. : Alors, je suis désolé pour Croc, mais je vais répondre Stormbringer. Et pourtant, c’était totalement déséquilibré ! Tu jouais un Melnibonéen et tu roulais sur le jeu…
A.B. : Désolé, je suis trop jeune…
JdR en boîte ou JdR en livre ?
L.B. : Ah, ce n’est pas facile. Je dirais en livre, mais il faut se dire que ce n’est pas le même usage.
A.B. : Eh bien… boite d’abord, livre ensuite. La bonne progression logique !
S.F. : Laurent Bernasconi, une dernière punchline ?
« MJ, N’oubliez jamais que c’est vous l’arbitre ! »
NDLR : Après ces précisions, Anthony nous quitte pour revêtir son costume de lumière et préparer le live de lancement ! Enfin, j’imagine…
Merci à Black Book Editions, à Anthony et à Laurent pour cet entretien et pour les illustrations de l’article.
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