Episode 2 : Apprivoiser la bête

Une menace cachée dans l’ombre. Un prédateur dissimulé dans un océan trop profond. Un tentacule serpentant sous un lit. L’horreur au visage invisible est de loin la plus effrayante. Ce souffle que toi seul.e  perçoit. Ce mouvement furtif là-bas. La froideur macabre qui parcourt ton dos. Un jour, inévitablement, il faudra l’affronter, il faudra la dévisager et faire face.

Un résultat évident

 

J’errai dans le monde inconfortable de la dépression, lorsqu’un jour, mon psychiatre s’est rendu compte que non, je n’étais pas simplement dépressif. Les dés étaient formels le diagnostique était sans appel. Je suis donc…

 

Un virage révélateur

 

Encore un peu de patience. Je vous laisse le droit de deviner. Après avoir passer des mois à m’enfoncer dans un monde si sombre que la lumière est une agression. Mon psychiatre pris le parti de me donner un coup de boost avec un nouveau traitement. Seulement, à l’instant où j’ai avalé mon premier comprimé… J’ai arrêté de dormir, des boutons se sont mis à pousser un peu partout sur ma peau et, j’allais très bien, trop bien.

Imaginez votre personnage frôle la mort après de trop nombreux combats. Lorsqu’il trouve sur son chemin un druide étrange qui dit d’une voix fatiguée : « Prends donc cette fiole de vigueur, tes forces reviendront et, tu pourras continuer ton chemin et affronter les pires monstres. »

Une fois bu, vous devenez comme Mario qui mange une étoile : invincible, intenable, insupportable. Je me suis levé du lit à 4h du matin pour courir si vite, trop vite. Une force artificielle qui me susurre à l’oreille : « T’inquiète mon grand, tout ceci ne durera pas. Bientôt tu prendras un mur en pleine face. Ta vitesse sera beaucoup trop conséquente pour pouvoir freiner à temps. »

 

 

En terme médical, ce traitement m’a fait un véritable virage maniaque. C’est cet évènement qui a signé un tournant décisif. Maintenant vous pouvez avoir une idée du résultat des dés… Bipolaire.

 

Une relation à visage découvert

 

Un trouble qui me fait tantôt dériver vers l’Arctique tantôt vers l’Antarctique. Le docteur N est formel, il a vérifié, consulté d’autres collègues, il est sûr cette fois, Bipolaire. Comment lui donner tort ? Lorsque ce mot a été prononcé, j’ai été aspiré dans une immense spirale temporelle. Elle m’a ramené à des moments étranges, des moments gênants, des peurs, des colères, des joies ou des envies incontrôlables. Bipolaire bien sûr c’était ça.

 

 

Un changement de font en comble

 

Le masque tombe, cette menace qui rodait en moi devient défiable.

Être bipolaire c’est pour la vie, pour le meilleur et le pire. C’est une morsure de loup-garou qui installe une bête en moi. Elle dort mais pas tout le temps. Maintenant que je connais son existence, je vais pouvoir la découvrir, l’approcher, la caresser. Chaque jour je lance mes dés de Santé Mental. Ils m’indiquent si ma bête se réveille d’un long sommeil ou si elle continue de dormir.

On ne réveille pas Cthulhu tous les quatre matins. De même on n’essaye pas de provoquer la bête tous les jours. Disons que j’essaye de jouer les charmeurs pour la maintenir dans un état de ronflements.  

Pour se faire j’essaye de réunir quelques ruses et artéfacts. Comme par exemple : le jeu de rôle !

 

Le jeu de rôle entre enfin en scène

 

Coïncidence « de ouf guedin » (copyright Maxime Robinet) sur un site dédier au jeu de rôle.  Oui c’est ici qu’il arrive et renaît. Là encore par un pur hasard des dés. Un soir sur youtube, je tombe sur une vidéo de Globtopus. (Si vous ne connaissez pas cette équipe éminemment créatrice, qualitatif et super inspirante pour le jeu de rôle francophone. Faites un tour du côté de leurs séries Sombres Machinations et vous comprendrez.)

Lien ci-dessous

https://www.youtube.com/c/SombresMachinations

 

Le retour du jeu de rôle

 

En quelques minutes, je me replonge dans mes souvenirs de jeu de rôle à Clermont. L’ambiance un peu tamisée, les mystères cachés derrière le paravent de Anckalogor (le MJ qui m’a fait découvrir le JDR cf épisode 1). La stupéfaction de voir qu’une action simple tel que « Je pousse un garde » se transforme en échec critique qui induit que le joueur frise la mort d’un cheveu. Tous ces moments que vous avez connu ou que vous allez connaitre me reviennent.

Je fais par la même occasion la découverte du célèbre jeu de rôle l’Appel de Cthulhu. J’achète le livre du.de la Gardien.ne afin de me plonger dans l’univers et les règles. Cette lecture confirme mon enthousiasme et le plaisir de découvrir cet univers ambigu, dangereux et horrifique. Pourtant il y a quelques années de cela je refusais de regarder des films d’horreurs car j’avais si peur. Là j’éprouve du plaisir à m’immerger dans des eaux troubles d’un océan d’histoire pas claires. J’aime aussi la perspective que les joueur.se.s vont faire partie d’une trame scénaristique qui va les changer voire les faire disparaître.

 

Une mécanique séduisante mais dangereuse

 

 

 

Une mécanique de jeu attire particulièrement mon attention : la santé mentale. J’ai conscience que ce sujet est un sujet vaste et qui peut être glissant. Mal utilisée elle peut être un désastre dévastateur. Jouer un trouble mental peut affecter les personnes qui sont concernées ou sensibles à ce sujet. Je ne vais pas rentrer dans le détail car c’est clairement un sujet pour un article entier. Jouer avec l’horreur et la santé mental nécessite une adhésion et un consentement de toutes les personnes à table. C’est pour ça que je répète que pour ce type de JDR, il est plus que conseillé de mettre en place des contrats sociales, des X cards, des sessions zéro.

Je vous mets en lien les vidéos de Naetherion qui explique cela très bien.

https://www.youtube.com/watch?v=kCAedoxRThQ

https://www.youtube.com/watch?v=Vkoqd5cJjH4

Le jeu de rôle reste un jeu, il peut servir pour aborder des sujets importants, nous mettre dans la peau d’un personnage pour essayer de comprendre des problématiques tel que les troubles mentaux.4

 

Le jeu de rôle plaisir et thérapie

 

Pour moi ça m’a aidé à justement à commencer l’apprivoisement de ma bête. En termes d’inspiration, les épisodes dépressifs mais aussi les moments hypomaniaques sont des puits d’émotions électriques qui s’attirent et se repoussent. Ce sont des voyages uniques difficiles à décrire au début. Puis quand la bête se rendort j’en retire une émotion, une description, un début d’idée de scénario. C’est ainsi, et je ne peux pas vous dire pourquoi car, je ne connais pas la réponse.

Le système et le monde de l’Appel de Cthulhu m’aide à penser un personnage et son évolution faces aux péripéties. Il me permet de personnaliser des questions, des doutes, des émotions inexplicables. L’écriture et diriger une partie me procure déjà un plaisir ludique, tout en peignant un portrait de plus en plus précis sur le visage de la bête.

Rassurez vous je ne fais pas que du jeu de rôle pour combattre ma maladie. Je fais du jeu de rôle parce que ça me plait comme j’adore le Rugby.

Quoiqu’il en soit, ma bête tapis dans l’ombre a un terrier que j’ai localisé, elle en sort quand elle a faim. Vous dire que je l’ai apprivoisé serait un mensonge. Mais j’y travaille tous les jours et je vous avoue sans le jeu de rôle ce serait encore plus difficile.

Connaître sa bête est la première étape de la stabilisation. Lorsque que quelques mois plus tard, sans prévenir, un tremblement de terre, un craquement de la glace, le sol se dérobe sous mes pieds : c’est la chute dans le gouffre du doute… 

 

 

 

A suivre

Champitom

Écrit par Champitom

Champitom, team un ans après la chute de l’URSS, mi champignon mi humain qui rêve de devenir trop de choses en même temps.

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