Guillaume Jentey, l’artiste couteau-suisse

Encore un article sous forme d’interview pour vous présenter un acteur du jdr que j’affectionne tout particulièrement (qui contrairement à ce que la lecture du titre de cet article pourrait laisser penser, n’est pas suisse mais lyonnais d’origine bourguignonne, mais peu importe).

J’ai nommé le seul, l’unique Guillaume Jentey.

Yaakab : Guillaume bonjour,
On s’est rencontré à l’occasion de la convention Octogone 2019, la dernière IRL, physique, avec des jeux et des gens qu’on touche, qu’on prend par la main pour faire des rondes au milieu des allées. Espérons que la prochaine comme ça arrive vite. Bref… Guillaume Jentey, dit parfois Gentil, artiste, comédien, auteur, illustrateur, … Présente toi. Dis-nous : mais qui es-tu ?

Guillaume : Qui je suis ?
Mais tu as déjà tout dit !
Et puis c’est hyper dur de se présenter… Oh, tiens, je vais essayer à la Cyrano !

Je m’appelle Guillaume Jentey
Merci, Yaakab de m’interviewer…
C’est tout ? Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme !
On pourrait dire… Oh ! Dieu !… Bien des choses en somme…

En variant le ton, – par exemple, tenez :

Agressif : « Morbleu, vous ne me connaissez pas
J’ai pourtant une bio sur le Grog moi ! »

Amical : « J’habite à Villeurbanne pas très loin de Flachet,
Si vous passez dans le coin, venez me rencontrer. »

Descriptif : « Je suis comédien !…Je suis auteur !…Je suis artiste.
Que dis-je, artiste ?… Je suis un rôliste !

Prévenant : « Avant de tout lire, allez faire pipi
Je suis un grand bavard : vous en avez pour la nuit. »

Tendre : « Grâce au jdr, quand je maitrise ou je joue
Je rencontre de belles personnes, peut-être bientôt vous ? »

Pédant : « Des jeux de rôles, mais j’en ai écrit tellement »
Naïf : « C’est bon, maintenant ? »

Voilà ce qu’à peu près j’aurai pu vous dire mes amis,
Si j’avais eu un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, moi le plus lamentable des êtres,
Je n’en eus jamais un atome, et de lettres
Je n’en ai que les trois qui forment le mot : sot !

Yaakab : Ça vient d’où ce surnom de Guillaume «Gentil» Jentey ? Je veux dire en dehors de ta gentillesse évidente : qui a lancé ce truc ?

Guillaume : Je ne sais plus comment c’est venu… mais c’est apparu à plusieurs endroit en même temps sur feu G+. Un peu à la manière d’une invasion de souris… Au début, il y en a une, elle est mignonne et puis comme on fait pas gaffe, il finit par y en avoir de partout !

Au tout départ, je suis sûr que c’était juste une simple faute de frappe que certains ont trouvé rigolote… et puis comme d’autres ont dû penser que ça m’allait bien, ça a fini par rester. Je crois que ça s’est vraiment stabilisé quand Erell (ndla : Erell, autrice chez Axolotl a été interviewée dans un précédent article) s’est mis à l’utiliser systématiquement sur le discord de C’est pas du jdr… pour me demander de lui faire des dessins sans que je puisse dire non 😉.
Remarquez, c’est plus sympa que Guillaume « le déjanté », comme on m’appelait au collège… encore que, quand on y réfléchit bien, les deux sont assez justes !
Et le plus drôle dans tout ça, c’est que j’ai horreur des surnoms… vous remarquerez que je suis comédien, dessinateur, auteur et rôliste et que je n’ai même pas de pseudo… Mais bon, comme je suis Gentil, je dis rien…

Yaakab : Ton métier, celui dont tu vis, c’est d’abord la scène. On sait à quel point c’est très compliqué en ce moment. Comment innoves-tu ? Le jdr t’aide-t-il et si oui comment ?

Guillaume : Innover c’est un peu la base de mon métier : inventer, créer, construire, se remettre en question… c’est indispensable ! Surtout pour tenir plus de 20 ans.

Et puis je ne suis pas tout seul. On est une compagnie. Au départ on était six. Six jeunes rêveurs d’une vingtaine d’années avec une envie de faire du théâtre « autrement » … je sais, c’est hyper prétentieux, mais à l’époque c’était surtout hyper naïf.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus que trois des six d’origines : Sandrine la metteure en scène, Sabine (mon épouse) et moi en comédiens. Et puis Alice nous a rejoint il y a une dizaine d’années pour s’occuper de l’administration. Le fait de travailler ensemble, en équipe, en famille même est une grande force et un très bon garde-fou : autant dire que celui ou celle qui commence à se la péter un peu trop, il ou elle se prend vite fait un bon taquet derrière les oreilles !

Et puis (quand je disais qu’on voulait faire théâtre autrement) on travaille depuis vingt ans au cœur d’un quartier populaire de Villeurbanne pour créer des projets partagés avec les habitants. Ce contact permanant avec les gens, cette relation de confiance, de complicité, d’amitié qu’on a construit ensemble est à la fois le ciment qui nous lie à la réalité et la source de notre envie de toujours inventer, surprendre, aller vers des choses qu’on a encore jamais essayées. Bref, pour l’instant, on est loin de s’ennuyer !

Le jdr m’aide-t-il ? C’est une question à la fois très simple et très complexe… paf : botté en touche !

Parler du lien qui unit et surtout de tout ce qui différencie le théâtre du jdr est un vaste sujet. Mon expérience personnelle, qui n’est rien d’autre que mon expérience personnelle et pas un avis d’expert ou de théoricien, m’a depuis longtemps convaincu que le théâtre et le jdr, bien qu’un certain nombre de compétences peuvent être utiles à l’un comme à l’autre (la capacité d’improvisation, l’écoute, l’imagination…), sont deux choses complètement différentes et même radicalement opposées (je suis prêt à en discuter avec plaisir, un bon café et un carreau de chocolat 85%…). Pourtant, il est évident qu’ils se nourrissent l’un l’autre.

Le principal « outil » d’un comédien, mais aussi d’un rôliste, c’est lui-même : sa sensibilité, son vécu, sa culture générale, ses qualités et ses défauts ! Je crois profondément en l’importance de notre singularité (c’est le passage où je me la pète, vous pouvez me mettre un taquet !). Alors évidemment le fait d’être comédien, comme le fait d’être rôliste, fait partie de mon identité, de moi, de qui je suis. Le Guillaume-rôliste nourrit le Guillaume-comédien et le Guillaume-comédien nourrit le Guillaume-rôliste mais pas plus et pas moins que le Guillaume-père de famille, que le Guillaume-agoraphobe, que le Guillaume qui a grandi à la campagne, que le Guillaume qui a fait des études d’architecte, que le Guillaume qui aime faire des blagues à deux balles…

Yaakab : Le jdr on y revient : ça s’est imposé à toi quand et comment cette passion ?

Guillaume : Première expérience à 12 ans : une partie de l’Oeil Noir chez mon voisin Bruno… je meurs au bout de 10 minutes en tombant d’un arbre… Je suis rentré chez moi en pensant : « le jeu drôle c’est vraiment naze ! »

Deuxième expérience au lycée : un « club jdr » entre midi et deux qui se faisait appeler « club jeux de société » pour pas être embêté alors que Mireille Dumas hurlait à la France (et à la Belgique) que les rôlistes étaient des tueurs sataniques en puissance. Une grosse campagne de Stormbringer qui a duré une bonne partie de l’année et qui s’est achevée par un TPK (Total Party Kill) devant un gros démon qui manifestement était bien plus balaise que nous. C’était sympa parce que c’était avec mes potes mais j’étais pas plus emballé que ça. Mais c’est vrai qu’on était jeune et que ça devait manquer de souplesse.

Troisième expérience : les années 90 ! Entre la fac à Dijon et ensuite l’école d’archi à Lyon, j’ai découvert pas mal de jeux et de façon de jouer (Warhammer, In Nome/Magna Veritas, Pendragon, Star Wars…) et puis comme je savais pas trop où on achetait les livres et que j’avais pas de sous, j’ai commencé à écrire mes propres jeux… Avec le recul, la vérité c’est que j’avais surtout hyper envie d’écrire des jeux, d’inventer des univers et de les partager… Je faisais déjà des bandes-dessinées et des courts-métrages depuis longtemps, le jeu de rôle me permettait d’avoir un autre médium pour assouvir mon besoin de création et/ou d’exorciser toutes ces idées qui hurlaient dans ma tête pour sortir et qui m’empêchaient de dormir la nuit.

C’est pas pour rien que je dessine, que j’aime le jeu de rôle et que je suis devenu comédien : j’ai un réel besoin de créer… quasi maladif.

C’est drôle d’ailleurs en y repensant… au club jdr de l’école d’archi / ENTPE (l’école d’ingénieur qui était à côté), alors qu’il y avait Warhammer, Star Wars, etc… on a fini par ne plus jouer qu’à mes jeux… Je peux me la péter encore une fois ?

Yaakab : J’avais donc découvert et rédigé un article fin 2019 sur Milky Monsters, un jeu dont tu es co-auteur avec ton fils. J’ai découvert que ce jeune homme avait créé un Hack Yoshi de ton jeu Sonja et Conan vs Ninja. C’est un virus familial le jdr ?

Guillaume : C’est clairement pas un virus familial : ma femme déteste le jdr ! Ce qui est encore une preuve de la différence entre le jdr et le théâtre : oui parce que ma femme est une comédienne exceptionnelle !

Quant à Valentin, évidemment il aime le jdr ! Il a un âge où il adore faire des choses avec ses parents. Alors il est heureux de partager mes passions : jdr et dessin notamment.

Pour l’instant, ça lui plait… ça durera peut-être, peut-être pas… Ce qui est sûr c’est que je serai là pour jouer avec lui, lui faire découvrir des jeux, des auteurs, des autrices… et que je serai ravi qu’il m’en fasse découvrir à son tour et qu’il finisse par jouer sans moi ! Pour l’instant, il joue, il maitrise, il écrit, il dessine. Je suis évidemment hyper fier !

D’ailleurs, tu citais la convention Octogones en préambule, l’année où on s’est rencontré, le dimanche matin, Valentin avait maitrisé tout seul une partie de Milky Monsters avec une adulte et deux enfants en joueurs. Première maitrise à 9 ans et en convention ! Il est possible qu’il soit quand même bien mordu 😉

Mais si tu veux en savoir plus sur Valentin le rôliste de 10 ans (oui, il a grandi), il a fait une interview sur la chaîne youtube d’Aetlas… C’est trop une star, lui…

https://www.youtube.com/watch?v=Du7tNNif3TI

Et pour ce qui est de ses créations, sache que je ne l’exploite pas ! Tout ce que rapporte son Yoshi (et la moitié des ventes de Milky Monsters) va directement dans sa tirelire ! Il en profite pour acheter des persos de Smash Bros sur Switch… Parce que comme il le dit lui-même : « moi je suis un gamer ! »

Yaakab : Ma première découverte de tes créations, c’était à l’occasion de la jam carewave Traverser l’hiver de Trop Long/Pas Lu. Ta proposition, Le Marchand de sable de l’orphelinat m’avait ouvert de nouveaux horizons en matière de jdr. Parle nous de ce jeu s’il te plaît.

Guillaume : Ce jeu a été créé dans le cadre du défi « Traverser l’hiver » organisé en février 2019 par l’équipe de troplongpaslu.fr. Chaque participant proposait un thème s’inscrivant dans les principes du manifeste «careware» à un autre participant et l’accompagnait pendant la réalisation de son jeu. J’ai eu la chance de recevoir ce message d’Elise « Lachesis » Pagès : « Salut, le thème auquel j’ai pensé pour toi est : « Le Marchand de Sable de l’orphelinat. » Une histoire de rêves qui réchauffent, offerts par un Marchand de Sable à des enfants, durant un hiver rude. J’espère que ça t’inspirera ! »

Evidemment ça m’a inspiré !
J’adore travailler avec une contrainte. Je suis d’ailleurs persuadé que je suis incapable de travailler sans… Il m’est arrivé d’avoir des pièces de théâtre à écrire avec trop de liberté… ça me bloquait un peu alors je m’imposais des contraintes et pof ça s’écrivait tout seul !

Bref, j’adore travailler avec une contrainte. Et là, j’étais servi ! Il y avait la contrainte du thème, ce devait être un jeu « care », « feelgood », nous avions une contrainte de temps et un nombre de pages limitées (moins de 10). J’étais totalement dans mon élément ! J’ai donc écrit ce jeu à mi-chemin entre du jdr et un GN (s’il faut mettre des étiquettes…) qui se joue à 3 et où chaque joueur et joueuse a un rôle particulier.

Un joueur joue l’Enfant qui s’apprête à s’endormir après une rude journée. Il est couché dans un lit, (ou confortablement installé dans un fauteuil) et se laisse aller à raconter sa journée comme si cil était en train de faire un rêve. Les deux autres, le Marchand de Sable et la Dure Réalité, essaieront d’influencer son rêve à l’aide de mots écrits sur des petits papiers.

Plutôt que de tout raconter ici, le mieux c’est quand même d’aller y jeter un œil 😉. Il est court et gratuit et se trouve sur le site de Trop Long, Pas Lu et sur ma page itchio.

http://troplongpaslu.fr/traverser-lhiver-enfin-disponible/

Yaakab : Reparlons de Sonja et Conan vs les Ninja et ses dérivés. Là encore, tu as créé un OVNI, un jeu très innovant à mon sens, et pour l’avoir testé, extrêmement fun. Explique-nous-en le principe s’il te plaît.

Guillaume : Sonja et Conan contre les Ninjas vient, entre autres, de mon amour pour les Pulps : ces magazines qui ont vu le jour dans les années 20 et publiaient des nouvelles de SF, de fantasy, de polar avant même que ces genres est un nom. On a vu naître dans ces pages des personnages comme Conan, Buck Rogers, Tarzan, John Carter, Zorro, Flash Gordon, Cthulhu et évidemment Red Sonja !
D’ailleurs mon premier jeu « moderne », Sandbucket, est déjà un cri d’amour pour les pulps et les nouvelles de Robert Howard !
Avec Sonja et Conan contre les Ninjas, je voulais créer un jeu où on retrouverait l’esprit de ces histoires décomplexées avec un héros ou une héroïne inébranlable face à des hordes de méchants inarrêtables et sournois. Je voulais surtout un jeu épique et plein de second degré dans lequel l’action est au centre. Jouer à Sonja et Conan contre les Ninjas, c’est écrire une nouvelle pulp ou jouer un film d’action des années 90 !
Pour parler plus précisément de la mécanique, c’est un jdr qui se joue de 3 à 5 en une heure, une heure et demi. Le rythme ne s’arrête jamais et ça créé donc des parties dense et courte. Il n’y a aucune préparation. On trouve des amis, on prend deux dés à 6 faces, des bouts de papier et un crayon et c’est parti les zamis !
L’un ou l’une des joueurs sera Barbare, le héros ou l’héroïne de l’histoire, les autres seront les Ninjas, à la fois les méchants et les MJ de la partie.
On se retrouve donc avec un PJ et plusieurs MJs.
Les Ninjas définissent un objectif diabolique et ensuite cadrent des scènes (avec quelques contraintes) dans lesquelles ils mettent Barbare en difficulté. Barbare peut soit utiliser des actions de barbare et prendre la main sur la narration soit utiliser des actions sans gloire et être limité en nombre de mots pour décrire ce qu’il fait.
Une des principales mécaniques du jeu, et qui amène vraiment la partie dans une direction pulp et épique, c’est que Barbare est soit hyper puissant (quand il utilise une action de barbare) soit très limité. Notamment, dans les scènes de dialogues, on utilise les D6 pour limiter la prise de parole de Barbare : il ne pourra faire que 1D6 phrase et 1D6 mots. Et je vous assure que les dialogues de 6 phrases de 1 mot sont assez désopilantes !
Pour résumer, c’est un jdr pulp, fun et sans préparation pour jouer des parties rapides en confrontation collaborative 😉.
Sur le même principe, on trouve maintenant un certain nombre d’extensions qui permettent de changer le style d’histoire ou le personnage principal.


J’ai écrit Cowboy et Extraterrestre (Cowboy remplace Barbare, et les méchants ont des pouvoirs d’aliens à la place de pouvoir de ninjas) et mon fils a créé une feuille de perso pour jouer Yoshi (celui de l’univers Mario).

Il y a des extensions faites par d’autres : Justicier en collant (pour jouer Batman), Ronin (pour jouer du samouraï), No Future for Robocop, Rambo contre Cthulhu, Chuck et Gina contre les Guerilleros Communistes. Toutes ses extensions sont gratuites et s’appuient complètement sur la mécanique de Sonja, on peut donc naturellement les mélanger. Avec mon fils, par exemple, on a fait une magnifique partie de Yoshi contre Cthulhu !

Yaakab : S&CvsN (même en abrégé ce titre est long) se vend à l’étranger, se hack sans vergogne, fait parler et réagir… ça fait plaisir à voir ce petit succès. Tu vas rester Gentil si tu deviens bankable ? :mrgreen:

Guillaume : Et oui, Sonja existe en version anglaise et en version japonaise. Et a d’ailleurs plutôt bien marché au Japon (je me la pète encore… re-paf… re-taquet !). Il faut dire que j’ai de la chance d’être entouré d’amis très compétents !
Tout d’abord Jean-Clément Nau ! Ami, partenaire de jeu et traducteur officiel !
JC est traducteur professionnel, alors si vous voulez des bonnes trads et avez un peu de sous, cherchez pas ailleurs !
Il a traduit Milky Monsters, Sonja et systématiquement si je dois écrire dans la langue de Shakespeare, je fais appel à lui. Et vraiment, je ne regrette pas !
Pour la version japonaise, c’est mon ami Mathieu Leocmac et son épouse japonaise Lisa qui ont fait un super boulot ! A priori, ça n’a pas été simple d’adapter mon écriture à la culture japonaise mais vu les retours que j’ai eu des japonais qui ont joué au jeu, il est évident qu’ils ont fait une traduction aux petits oignons et wakame !
Ensuite la question de savoir si je vais rester Gentil si je deviens bankable… C’est assez simple en fait, je ne deviendrai jamais bankable ! Le jeu de rôle est une niche, et le jeu indé est une niche dans la niche. En plus, j’ai déjà un boulot… alors oui, je vais continuer à écrire des jeux et à faire des dessins pour d’autres mais je n’ai pas d’autre ambition que celle de me faire plaisir et de transmettre ce plaisir à celles et ceux qui ont envie de le partager avec moi. Je ne me vois pas, par exemple, monter des gros projets, des financements participatifs… je sais pas faire et ça ne m’intéresse pas plus que ça. J’aime bien mon confort de n’être personne et de faire mes petits trucs en toute liberté et tant mieux si ça plait.
J’ai déjà assez de pression, d’incertitude et de boulot pour faire vivre notre petite compagnie de théâtre, j’ai pas du tout envie de faire ça aussi dans mes loisirs… même si il faut l’avouer, les quelques sous que je gagne avec mes jeux et mes dessins, aide pas mal à boucler les fins de mois… surtout depuis un an…

Yaakab : Quels autres jeux as-tu déjà créé, et surtout, où peut-on les trouver ?

Guillaume : J’ai déjà parlé de Sandbucket, c’est un jeu pulp pour faire des parties épiques en 30 minutes chrono : parfait pour les parties d’apéro ou pour créer des scènes de flashbacks dans des parties plus traditionnelles.
Je pourrais parler de Je ne connais pas la moitié d’entre vous autant que je le voudrais. Et j’aime moins de la moitié d’entre vous à moitié moins que vous le méritez. que j’appelle plus simplement le jeu du hobbit… C’est un jeu entre jdr et GN pour fêter son anniversaire comme un hobbit. Je l’ai écrit pour mon anniversaire pendant le premier confinement et j’ai pu avoir une super fête d’anniv’ avec ma femme et mes enfants ! Même ma femme, qui rappelle-toi déteste le jdr, s’est amusée comme une folle !
Il y a aussi Archipélerins qui a été finaliste du Gamechef 2019. C’est un jeu que l’on peut jouer avec ou sans MJ et où on incarne des pèlerins qui voyagent vers un lieu saint dans un monde brisé. Ce voyage sera l’occasion d’en apprendre plus les uns des autres.
Il y a aussi un certain nombre de jeux en un page. C’est un exercice que j’aime beaucoup. Il permet de poser un concept fort et de trouver comment le rendre efficace. Ca donne des parties très singulières.
Le mieux, c’est quand même d’aller fouiller mon compte itchio où il y a les pdfs de tous mes jeux.

https://guillaumejentey.itch.io/

Pour l’instant seul Sonja et Conan contre les Ninjas est trouvable en version impression à la demande (il contient également l’extension Cowboy et Extraterrestres) sur Lulu.
https://www.lulu.com/en/en/shop/guillaume-jentey/sonja-et-conan-contre-les-ninjas/paperback/product-1mm5gvwd.html?page=1&pageSize=4

Milky Monsters a eu aussi quelques versions print mais il est épuisé ! D’ailleurs, je crois me souvenir t’en avoir dédicacé un à Octogônes !

Yaakab : Bon… on a parlé du comédien, de l’auteur, et l’illustrateur alors ? Tu as collaboré à pas mal de projets : quels sont ceux dont tu voudrais parler ici ?

Guillaume : Je voudrais évidemment parler de tous !
J’ai la chance d’avoir participé à un grand nombre de projets indés et d’avoir dessiné (et de continuer) pour un grand nombre de créateurs, d’auteurs très différents. Ce qui est non seulement très gratifiant mais aussi très formateur ! Et j’ai la grande chance de travailler avec des gens qui me font confiance et me laisse m’exprimer. Ca me permet d’essayer des choses et de progresser. Et puis, grâce aux réseaux sociaux, j’ai rencontré beaucoup d’artistes avec qui j’entretiens des correspondances régulières.

J’adore voir ce que font les autres et confronter mes propres créations à leur regard aiguisé mais bienveillant. C’est inimaginable ce qu’un simple « great ! » envoyé par un artiste qu’on admire (comme la merveilleuse Evlyn Moreau, l’incroyable Luka Rejec ou mon complice Jim Magnusson) peut vous donner des ailes !

Mais, il faut rendre à César ce qui est à Rosalie… jamais je n’aurai osé dessiner pour d’autres si deux personnes extraordinaires ne m’avaient pas fait confiance il y a quelques années. Je veux parler d’Eric Nieudan et de Bastien « Acritarche » Wauthoz !

https://itch.io/profile/macchiatomaster

http://acritarche.com/

Sans vouloir leur mettre la pression, je pense que sans eux je n’en serai pas là aujourd’hui.

J’ai rencontré Eric quand il playtestait Macchiato Monsters. Un peu en mode fanboy, je lui ai envoyé quelques dessins peints avec du café. Je peignais des portraits des clients dans les bars avec du café quand j’étais étudiant… et d’ailleurs trop timide pour les donner à mes modèles-malgré-eux, je partais souvent en les laissant sur la table… Et de jouer à un jeu qui s’appelait « macchiato » quelque chose, ça m’avait donné envie de repeindre au café. Bref, j’ai envoyé quelques dessins à Eric qui a eut la gentillesse non seulement de me dire merci mais aussi d’en utiliser un pour la couv’ de Macchiato Monsters 0 et puis de m’en commander lors de l’édition de la V1 chez Lost Pages. Ca m’avait boosté, donné confiance en moi et, sans avoir déjà en tête l’idée de dessiner pour d’autres, ça m’avait redonner l’envie de dessiner… quelque chose que je ne faisais plus depuis trop longtemps.

Peu de temps après, Bastien me passa ma première « vraie commande ». Je jouais régulièrement avec lui et je crois que très vite on s’est rendu compte qu’on s’appréciait beaucoup l’un l’autre… alors est-ce par amitié ou réellement parce qu’il aimait mes dessins… je pense que c’est un peu des deux… toujours est-il qu’il me demanda de faire partie de l’équipe d’artistes qui allait illustrer son Jeu du Destin (un jeu de carte-aide de jeu pour Dungeon World absolument indispensable). Il a été cash dès le début « je t’en commande un dessin pour voir et si ça matche je t’en commande 3 de plus. » au final j’en ai fait 12 ! J’ai adoré bosser avec Bastien : il est exigeant, précis mais aussi à l’écoute et bienveillant ! Ca a été réellement formateur et ça m’a vraiment aidé à avoir plus confiance en mon travail. Sans parler du fait que je suis absolument fan du Jeu du Destin, dont je ne cesse de me servir, et que ça m’a sans doute donné pas mal de visibilité.

D’ailleurs Eric et Bastien ne sont pas seulement responsable de mon « début de carrière d’illustrateur » mais ils sont aussi pour beaucoup dans le fait que j’écris des jdrs. Sans eux, Milky Monsters n’existerait sans doute pas… mais c’est une autre histoire… je vous la raconterai peut-être une autre fois 😊

Yaakab : Où peut-on voir tes dessins et autres œuvres graphiques ?

Guillaume : Dans les jeux que j’ai illustrés… sinon, il y a tout sur mon site perso :
https://guillaumejentey.wixsite.com/rpg-and-art

Sinon, vous pouvez toujours passer boire un café à la maison, je vous montrerai les originaux (du moins ceux que j’ai gardé) et après on fera une partie de jdr !

Yaakab : As-tu des projets en cours ou en gestation, qu’ils soient scéniques, graphiques ou rôlistiques ou que sais-je, et dont tu voudrais parler ?

Guillaume : Des projets j’en ai évidemment plein !
Pour ce qui est du théâtre… heureusement que j’en ai, comme c’est mon boulot… d’ailleurs si vous habitez Villeurbanne ou ses environs, n’hésitez pas à venir nous voir ! Notre compagnie a un site www.zeotrope.fr et une newsletter. Nos spectacles sont ouverts à tous et gratuits : viendez les gens !

Pour ce qui est du jdr, j’ai évidemment aussi pas mal de projets de jeux en gestation… là, je sors d’une période où j’ai beaucoup travaillé pour d’autres : dessins pour le module OSE de Sam Ziterman, scénario pour Explorateurs de Bruines de Vivien Féasson et pour Sorcières et Sortilèges de Pierre Saliba. En ce moment, je suis en train de finir les illustrations pour Etoiles d’Eric Blaise alias Erwick / JDR pour les Nuls et je devrais pas tarder à bosser pour Epyllion avec l’équipe du Jdrlab. Et il y a pas plus d’une heure, on lançait l’idée avec LisaBanana d’écrire un jeu ensemble ! Voilà, je suis bien occupé.

Je travaille aussi beaucoup avec Christopher Mennell, un « american publisher and creator » qui est devenu ami après de nombreuses collaborations… et des dessins que j’ai fait pour ses filles !
C’est quelqu’un d’incroyable qui lance une foultitudes de projets, qui essaie de mettre en valeur les artistes et les auteurs. J’adore bosser avec lui. Il publie pas mal de contenu sur son blog https://www.beyondtheweird.blog/ et il vient de se lancer dans une nouvelle aventure en créant sa nouvelle gaming company http://killjester.com/ . Il fait aussi partie des personnes qui m’ont toujours soutenu et pour qui je dessine régulièrement. Il m’a aussi passé commande de l’écriture de deux jdrs et comme c’est de l’anglais, je vais évidemment bosser avec mon super JC !

Sinon, pour mes prochains jeux, je ne préfère pas trop en parler, superstition idiote, tant qu’ils ne seront pas écrits. Mais promis, dès qu’ils existent, je te préviens !

Yaakab : Zone d’expression libre, de défouloir ou de réceptacle empathique, et pourquoi pas philosophique… Tu y déposerais quoi ?

Guillaume : Rhaaaa, la question vache !
Répondre comme ça, à froid, par écrit, donnera forcément quelque chose de prétentieux ou de cucul… et comme je n’aime pas être prétentieux, je tente le cucul ? 😉

Je suis persuadé que le jdr, notre passion, est beau par sa diversité. La diversité de formes, de thèmes, de mécaniques… mais aussi auteurs et d’autrices, d’artistes… de joueuses et de joueurs ! Le jdr est un médium aussi riche que la littérature, la musique et le cinéma. Je trouve ça tellement dommage d’essayer de le limiter aux productions mainstream. Ca serait comme limiter le cinéma aux seuls blockbusters. 

Après, évidemment chacun est libre d’aimer et de ne pas aimer ce qu’il souhaite. Il y a plein de jeux que je n’aime pas. Il y aussi des jeux que je trouve pas terrible mais avec lesquels j’adore jouer et d’autres que je trouve brillant mais qui ne m’ont jamais offert de parties mémorables. Il y a des jeux que j’aimais hier et que je n’aimerai plus demain et d’autres à contrario que j’apprécierai peut-être plus tard. Mais que je les aime ou pas, je suis tellement fier et heureux de voir tout ce qui peut exister, tout ce qu’on est capable de créer, de partager ! Le monde du jdr est tellement riche de voyages, de possibles, qu’il serait dommage de le contraindre à rentrer dans des cases réductrices. Ca serait d’ailleurs complètement illusoire.

Prétendre que telle façon de jouer n’est pas du jdr est tout aussi stérile que, comme dans les années 50, prétendre que le rock n’était pas de la musique : les œuvres trouvent leur public, les créations vivent leur vie et les haineux d’aujourd’hui finissent par être les ploucs de demain 😉

Aimez-vous les uns les autres, bordel de merde ! C’est quand même plus sympa, non ?

Bon, je crois que j’ai réussi à être cucul et prétentieux ! Je ne te remercie pas 😉

Yaakab : Eh bien moi si ! Merci Guillaume ! Et tiens, j’ai toujours ta dédicace puisque tu en parlais !

Écrit par Yaakab

Auteur de la Chronique JDR et Handicap

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