Retour à Libreté et deuil au programme pour ces deux séances de conclusion qui sonneront le départ (et le glas) de deux personnages de la Chronique.
Lors de ces deux séances, nous avons exploré les thématiques de la mort, du deuil ainsi que la gloire du retour et les conséquences d’actes violents. À la suite de beaucoup d’imprévus du quotidien, les séances n’ont fait qu’être repoussée. Le contexte du groupe de vie ayant changé, certains jeunes du groupe n’étaient plus très motivés à participer à l’atelier JdR.
La première des deux séances que j’analyserai dans cet article s’est déroulée sans Lucie (Elsa, La Princesse). Son absence manqua au groupe.
L’autre séance de cet article sera l’occasion de faire un petit bilan sur les premières séances. Ce fut aussi l’opportunité pour les participants de mettre fin à leur participation à l’atelier s’il le désirait.
Séance 4, exploration de l’entrepôt : mort et deuil
Lors de la séance, les personnages ont découvert le corps sans vie d’Obito dans d’étranges circonstances. Ils se sont perdus dans les ténèbres (les Ombres murmurantes) et ont failli se blesser mutuellement pour conclure sur une cérémonie funéraire un peu particulière. Les jeunes ont été très passifs lors de cette séance, ne faisaient pas vraiment de propositions pour trouver une sortie, de la nourriture. L’absence de Lucy, régulièrement force de proposition, s’est fait ressentir.
Debriefing: Hugo (Light, La Brute)
Hugo a fait bande à part une bonne partie de la séance, essayant d’impressionner les autres par sa force, explorant l’entrepôt derrière le magasin seul. C’est son personnage qui découvrira le corps sans vie d’Obito. Il a vaillamment porté le corps sur ces épaules pendant de longues minutes à travers les ténèbres qui l’oppresse et lui murmure aux oreilles. De même lors du feu de camp, il est resté très détaché des émotions de son personnage.
Debriefing: Marie (Saphir, La Solitaire)
Contrairement aux autres, Marie est celle qui s’est montrée la plus proactive lors de cette séance. La place d’organisatrice laissée vacante par Lucie fut remplacée quelque peu par Marie qui a su s’affirmer sur cette session. Elle a d’abord exploré seule de son côté l’entrepôt, mais est rapidement partie au secours des autres personnages en danger. Elle a volontairement pris des risques pour partir à la rescousse d’un Robert un peu trop téméraire. Elle restera un retrait par rapport à la cérémonie pour Obito.
Lors du feu de camp, elle exprimera ouvertement sa tristesse par rapport à Obito. Elle s’exprime peu sur le rôle central qu’elle a eu pendant la séance, elle n’en prend pas vraiment conscience et se sent mal à l’aise quand on l’évoque.
Debriefing: Robert (Kakashi, Le Chef)
Robert s’est peu investi dans la partie. Il ne saisira que les opportunités risquées, s’enfonçant dans les ténèbres tête baissée. La thématique autour de la mort et du deuil était prévue pour lui. Sa réaction fut déconcertante dans un premier temps quoique peu surprenante avec le recul. En découvrant le corps sans vie d’Obito, il fera tout ce qui lui passe par la tête pour le faire revenir : claque, bouche à bouche, massage cardiaque et seringue d’adrénaline… Il ne veut pas accepter la mort du PNJ. Lorsqu’il est évoqué de l’enterrer, Robert accepte dans un premier temps et les autres l’accompagnent à l’extérieur pour creuser une tombe. Quelques instants plus tard, Robert change d’avis et décide qu’il veut juste assoir Obito quelque part et le laisser comme cela.
Finalement, il explique un peu sa pensée et décide de l’assoir dans une carcasse de voiture avec des fleurs sur le capot et un peu de nourriture sur le tableau de bord au cas où il se réveillerait.
Lors du feu de camp, il restera très fermé sur le registre des émotions, ne souhaitant pas s’étendre sur le sujet et ne cherchant pas à les exprimer comme la fois précédente à travers son personnage.
La question de la mort et de l’acceptation reste encore très sensible pour Robert. Il ne semble pas l’accepter et ne veut pas en parler. C’est un élément important pour nous, sur le plan éducatif et thérapeutique, il n’est visiblement pas prêt, même de manière détournée de parler de ce sujet et de ce que cela lui fait vivre.
Séance 5, retour à Libreté : violence et gloire
Le retour à Libreté était semé d’embuches. Light et Kakashi se battent dans le désert des carcasses, Light est gravement blessé en tentant d’échapper aux sirènes (Ceux-qui-roulent). Saphir va à leur rescousse rapidement suivie par Elsa et sa cour. À peine arrivé à Libreté, Kakashi tente d’assassiner Achille, mais est stoppé par la Garde de Verre et gravement blessée. Elsa renforce la ferveur de sa cour. Saphir prend soin de Kakashi qui refuse dans un premier temps puis fini par accepter. Le quatuor est soupçonné d’être des sirènes infiltrées. Light s’entraine dans son coin au sabre pour devenir le plus fort tout en se remettant de ses blessures.
Bataille d’égo : La Brute et Le Chef
Hugo et Robert sont très dispersés sur le début de la séance et débattent sur un sujet annexe. Il a été très difficile de revenir au jeu.
Lorsqu’ils reviennent dans leurs personnages, le conflit entre Hugo et Robert transpire sur leurs personnages et ceux-ci s’affrontent sur le désert des carcasses alors qu’ils sont déjà dans une situation délicate. Leurs violences n’est pas sans conséquence : Light se blesse gravement et perd toutes les conserves qu’il transportait, Kakashi en perd aussi une partie aux sirènes. J’ai pu travailler un peu sur la conséquence de leurs actes. Leurs personnages ont subi leurs affrontements absurdes. Ils diront tous deux qu’ils n’accordent pas d’importance à leurs blessures.
Kakashi, Le Chef : violence et blessures
À peine rentré à Libreté, Kakashi s’attaque à Achille. Il dit vouloir prendre la place du chef. Il échoue dans son attaque et se fait gravement blesser par la Garde de Verre. Il est accusé par le Triumphirat d’être une sirène infiltrée et se défend comme il peut, mais ne fait que renforcer la suspicion envers lui et le reste du groupe.
Lors du feu de camp, Robert a exprimé le souhait d’arrêter l’activité jeu de rôle. Lorsque je lui demande ce que devient son personnage, il me dit qu’il succombe de ses blessures.
Tout au long de cette chronique, Robert restera très fermé sur ses émotions. Il ne les exprimera pas ou très peu. Il sera souvent passif lors des séances, suivant mes suggestions ou celles des autres participants. Le média jeu de rôle semble lui plaire, il a pu l’exprimer à certaines occasions. Je me questionne tout de même par rapport à son implication dans le jeu de rôle. Il semble manifester de l’intérêt, mais l’accès à l’imaginaire semble difficile pour lui.
Light, La Brute : force et solitude
Lors du feu de camp, Hugo a beaucoup insisté sur sa force et ses compétences en combat. Il veut être le plus fort et battre tout le monde. Il voudrait être assez fort pour tous les tuer et survivre tout de même. Il a aussi pu dire qu’il n’avait pas peur de la mort de son personnage. Cependant lors de la partie, il aurait pu saisir l’opportunité d’être seul avec un membre du Triumphirat pour l’attaquer, mais s’est vite rendu compte qu’il avait besoin d’aide pour soigner ses blessures.
Hugo désire poursuivre l’activité jeu de rôle. Il semble apprécier cette activité, je pense pouvoir continuer à travailler certains axes de travail avec lui autour de la violence. Il a beaucoup exprimé de violence lors de chaque séance, pour blesser, tuer, montrer sa force, sa brutalité. C’est une problématique assez présente avec Hugo au quotidien.
Saphir, La Solitaire : courage et soutien moral
Marie fut une force de proposition importante pendant la partie. Saphir a tenté de maintenir la cohésion du groupe tout du long de la séance, tentant de sauver Kakashi et Light de leurs mises en danger irréfléchies. Elle prendra soin de Kakashi lorsqu’il est en convalescence.
Lors du feu de camp, elle dit vouloir faire changer d’avis Kakashi sur Achille, qu’ils se réconcilient.
Sur toute la Chronique, Marie aura été la plus investie et celle qui donne corps au groupe malgré son rôle de solitaire qu’elle revendique. Dans les faits, c’est toujours elle qui va aider les autres en cas de besoin, les soutenir et en prendre soin. C’est assez proche de Marie au quotidien, c’est une jeune fille assez solitaire, mais qui peut faire preuve de beaucoup de compassion.
Sur la Chronique, nous voulions valoriser ses qualités et l’aider à s’affirmer, ce qui fut un succès.
Même si elle ne se mettait pas en avant lors des feux de camp, nous (la psychologue, moi et parfois les jeunes) lui rappelions ses actions importantes.
Elsa, La Princesse : gloire et beauté
Elsa était une Princesse dans toute sa splendeur lors de cette séance. Elle envoie sa cour sauver les autres personnages, a reçu le compliment de sa cour restée à Libreté et s’est parée de ses plus beaux atours pour parader.
Lors du feu de camp, Lucie a fait remarquer que les actions des garçons n’étaient pas très malines. Elle a apprécié l’adulation de sa cour.
Il est difficile d’évaluer le travail effectué avec Lucie sur l’atelier. Elle fut peu présente aux séances (3 sur 5). Son manque d’investissement est dû à plusieurs facteurs extérieurs. L’ambiance sur le groupe de vie est devenue plus complexe parasitant les activités annexes (pas uniquement celle-ci). De plus, Lucie n’était plus dans de bonnes dispositions pour participer à l’atelier. La dernière séance fut difficile à organiser et Lucie n’était plus très impliquée.
Lucie a quitté la structure dans laquelle je travaille pour un placement à domicile. Elle hésitait lors de la séance à continuer l’activité. Elle a décidé quelques semaines plus tard de ne plus participer.
Conclusion
Cet atelier éducatif et thérapeutique fut une réussite malgré les difficultés de maintien régulier. J’ai pu travailler certaines thématiques avec les jeunes, particulièrement autour de la mort, du deuil, et de l’affirmation de soi.
Même si Robert n’a pas pu exprimer à travers le jeu de rôle ce qu’il ressent par rapport au deuil, il nous a permis de confirmer qu’il n’était pas prêt pour parler de la souffrance que cela lui fait vivre.
L’objectif commun de la Chronique était le processus d’individuation, ce fut une franche réussite pour Marie, qui s’est affirmée, a pris des décisions. Même dans le quotidien, une petite amélioration s’est fait ressentir pour Marie qui est capable d’exprimer ses choix plus clairement, de faire des demandes personnelles…
Pour Hugo, il aurait fallu plus de temps pour travailler autour de la violence qu’il a exprimée dans la partie, les conséquences qu’il n’a pas eu le temps de saisir. Du côté positif, malgré son insistance à vouloir être seul la plupart du temps, il a su incarner son personnage dans le groupe et s’appuyer sur les autres lorsque cela s’est avéré nécessaire.
Le médium du jeu de rôle utilisé comme outil éducatif semble faire ses preuves auprès de ce public. J’ai relevé quelques difficultés en particulier avec Robert pour qui l’imaginaire semble difficile d’accès. La régularité s’est avérée difficile à maintenir ce qui a pu rendre difficile l’immersion pour les jeunes peu habitués au jeu de rôle. Sur les points positifs, les jeunes apprécient ce médium et la présence de ma collègue psychologue ne les a pas dérangés.
Pour des raisons extérieures à l’activité je me suis vu contraint de mettre en pause l’atelier. Il reprendra certainement à la rentrée de septembre. Les participants seront certainement différents avec des objectifs nouveaux. J’espère pouvoir porter ce projet sur du long terme afin d’élaborer des outils éducatifs réutilisables par d’autres.
L’ensemble de cette chronique est lisible dans la catégorie Jdr&éducation.
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