Ce n’est probablement pas la première fois que vous entendez les expressions “Jeux sérieux” ou “gamification des apprentissages” et si vous êtes enseignant, peut-être avez-vous tenté de vous appuyer sur des dispositifs ludiques dans votre classe ?
Plus personne n’en doute, jouer permet de rendre les cours plus attrayants et va accroître l’engagement des élèves. Au-delà de ça, le jeu va aussi permettre d’améliorer la cohésion du groupe classe, de réduire le stress des enfants et de créer du lien entre les élèves et l’enseignant.
Ces jeux peuvent être de toutes formes : quiz, escape game, etc. La question se pose donc concernant notre loisir : Est-il pertinent de détourner le JDR pour en faire un outil ludo-pédagogique pour sa classe ?
Les JDR, un support pour toutes les disciplines
Voici une liste non exhaustive d’exemples de projets : En lettres, le JDR se prête à la transposition d’œuvres littéraires. En histoire-géographie, il peut permettre de visiter Pompéi avant sa destruction et de dialoguer avec des personnages historiques. En Arts plastiques, il peut permettre d’aborder la notion d’archétype en s’appuyant sur les dessins des personnages des élèves. En maths, le JDR peut permettre d’introduire le chapitre sur les statistiques et les probabilités. En anglais, le JDR est l’occasion de faire pratiquer la langue cible dans un contexte interactif. En vie de classe, il peut aider à faire de la prévention contre le harcèlement.
Au-delà des simples usages pour présenter une notion ou exercer les élèves, l’atout majeur du JDR réside dans son potentiel à développer des compétences et des savoirs transdisciplinaires. Il favorise notamment les compétences communicationnelles, telles que la lecture, l’écriture et l’expression orale. En outre, il constitue un excellent moyen de renforcer les compétences sociales, comme la prise de parole, la gestion des conflits, l’écoute active, l’empathie et la confiance en soi. Enfin, le JDR est une véritable source de stimulation pour l’imagination et la curiosité des élèves. Comme l’a dit Aristophane : “Enseigner ce n’est pas remplir un vase c’est allumer un feu” et clairement le JDR est un jerricane d’essence plein à rabord !
D’autres raisons peuvent laisser penser que le JDR est une pratique particulièrement innovante. Tout d’abord, il est possible de motiver ou de récompenser les élèves en leur faisant gagner un niveau ou en leur donnant des équipements pour leurs personnages.
Ensuite, le professeur peut proposer aux élèves les plus investis de devenir eux-mêmes Meneur de Jeu. Cette initiative présente un double avantage : non seulement elle permet aux élèves qui endossent ce rôle d’approfondir leurs connaissances, mais elle offre également la possibilité de poursuivre l’activité en dehors du cadre scolaire.
Les freins à l’utilisation du JDR en Classe
Malgré le potentiel évident du Jeu de Rôle comme dispositif pédagogique, il est nécessaire de formuler certaines réserves. Tout d’abord, il est important de souligner que l’animation d’un petit groupe de joueurs motivés et volontaires diffère considérablement de la gestion d’une classe de collégiens captifs de leur emploi du temps. L’enseignant qui souhaite intégrer le JDR dans son enseignement doit donc posséder des compétences en animation en plus de ses compétences de pédagogue.
Ensuite, il est crucial de rappeler que l’enseignant n’a pas pour but de distraire ses élèves mais bien de les instruire. De ce fait, sa séquence doit viser un ou plusieurs objectifs pédagogiques précis. Or, la mise en place d’un JDR à vocation éducative est particulièrement chronophage. Adapter les règles pour une classe entière, concevoir des scénarios alignés sur des objectifs pédagogiques et animer les séances demandent un investissement considérable en temps et en énergie. Force est de constater que le temps de préparation des cours est limité et le temps en classe à consacrer à chaque chapitre du programme l’est aussi. Si le format de cours traditionnel permet d’obtenir des résultats similaires avec ses élèves alors il n’y a aucune raison de développer un dispositif ludo-pédagogique chronophage.
Certains pourraient objecter que si le jeu de rôle ne parvient pas à trouver une place en classe, il est possible de proposer ça comme loisir aux élèves. Il s’agit d’une alternative intéressante qui permet de faire travailler les compétences transdisciplinaires et les compétences sociales. Cependant, ce genre d’initiatives étant hors du temps scolaire, elles reposent le plus souvent sur la bonne volonté de quelques enseignants qui animent des clubs de JDR sur leur temps libre.
Encourager la pratique du JDR en classe : Quelles solutions ?
Il est important de connaître et reconnaître les limites des dispositifs ludopédagogiques. Compte tenu des remarques ultérieures, il est légitime de penser que le JDR ne peut être utilisé en classe que ponctuellement et par des enseignants volontaires.
Or, les bénéfices attendus pour les élèves sont réels et les exemples d’applications intéressantes ne manquent pas. Aussi, il peut être opportun d’engager une réflexion sur ce qui peut être mis en place pour favoriser la diffusion du JDR comme pratique ludo-pédagogique.
Le temps est le véritable nerf de la guerre ! Il faut donc trouver des stratagèmes pour que les enseignants motivés en économisent le plus possible.
Pour ce faire, un groupe de travail du Consortium National de la Ludopédagogie, s’active actuellement pour produire un guide pratique. Ce document proposera un système de règles adaptées pour le primaire et un autre pour le secondaire ainsi que des astuces pour animer un JDR avec une classe.
À terme, ce guide pourrait aussi être utilisé pour proposer des formations aux enseignants et les scénarios produits par les uns et les autres pourraient alors être mutualisés dans une scénariothèque.
Il est important de relever que le JDR sur table est déjà reconnu et utilisé en tant qu’outil de formation par l’éducation nationale. Il est notamment utilisé par le CLEMI de Paris qui offre aux enseignants une expérience ludique avec (Para)normal : le jeu de rôle pour entraîner son esprit critique.
Conclusion
En conclusion, il est indéniable que le Jeu de Rôle (JDR) en classe présente un potentiel pédagogique considérable. Certes, il s’agit d’un investissement en temps et en énergie important pour l’enseignant. Néanmoins, les dispositifs ludiques ne sont pas destinés à un usage quotidien. Alors cet investissement est à relativiser, il s’agit pour l’enseignant de proposer un temps particulier à ses élèves : Un temps d’échange, une manière de présenter sa matière sous un autre jour et de faire en sorte que les élèves apprennent à aimer apprendre.
Et vous alors ? Qu’auriez-vous aimé découvrir ou apprendre grâce au JDR ? Dites-le nous en commentaire 🙂
NB : Merci à Pierre Martin pour cette belle illustration, si vous souhiatez suivre son travail, retrouvez-le sur Behance : https://www.behance.net/pierremartin20
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