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ENTRETIEN AVEC OLIVIER LARUE – VLTIMA VERBA

Entretien avec l’un des visages émergent du JDR français

Le JDR est-il un art ? Question hautement philosophique à laquelle l’étude du personnage Olivier Larue permet d’apporter une réponse tranchée : OUI ! Nous ajouterions même qu’il serait la fusion de plusieurs formes d’art ! Un art total, en somme.

Olivier Larue : ce nom et cette signature figurent au pied des pages de plusieurs de nos ouvrages de jeux de rôle préférés « Relecture : Olivier Larue ». Vous trouverez ce seing chez Arkhane Asylum, chez Edge, chez Black Book Editions. Comme beaucoup d’acteurs du milieu, il porte plusieurs casquettes (SPOILER : ce jeu de mots n’est pas anodin…). Tour à tour : enseignant du secondaire, professeur en institut universitaire et à Sciences Po, homme de théâtre, auteur, vidéaste, maître en éloquence, surtout Rôliste.

 

J’ai personnellement découvert Olivier Larue en juin 2020, à l’occasion d’un immersif Let’s play sur Métro 2033. J’y ai découvert une façon de mener, une maîtrise de la narration, des ambiances et des césures. Deux ans plus tard, c’est au détour d’une publication que je croise à nouveau ce visage et cette voix, pour sa chaîne VLTIMA VERBA. Depuis, je tente de suivre autant que possible le stakhanovisme du diffuseur.

Les ailes se déploient, en quelques mois, il s’impose dans la forêt dense des chaînes JDR Twitch. À l’image de ses nombreuses casquettes, essayons de regarder les multiples visages d’Olivier en quatre thèmes : par la plume, par la voix, par le verbe et vers la lumière.  

 

Phase 1 : « Olivier par la plume »

 

 

S.F. : Commençons par parler au Rôliste. Depuis quand cette manie de rouler des dés pour faire avancer une histoire ?  

O.L. : Depuis mes 14 ans, en février 1998, c’était à l’école et cela s’est fait par plusieurs rencontres. D’abord, celui qui devient mon premier MJ me donne les romans Hawkmoon à lire. Je crée un personnage dans la foulée. Puis, dans une même dynamique, nous créons un personnage pour Star Wars (D6) qu’il voulait aussi me faire découvrir. Ma première partie est donc un Star Wars. Nous étions alors un trio. Après l’initiation, ce fut une première année intense pendant laquelle nous passions d’un jeu à l’autre. Je peux citer Shadowrun (V2), L’Appel de Chtulhu (V5), Warhammer (V1), Bloodlust, Dark Earth, Prophecy… Mon ami avait une grosse bibliothèque.

(NDLR Soit des jeux références de la génération des rôlistes de la fin des années 1990/début 2000. Pouvons-nous y voir des signaux socioculturels d’une génération ?)

Advanced Donjons et Dragons, nous n’y avons joué que beaucoup plus tard. Un de nos aînés rôlistique était le grand frère de notre MJ, estampillé FFJDR. Il nous a dit : « ADD, c’est pour les gros bill », on n’y a jamais touché. Les années suivantes, j’ai découvert Vampire la Mascarade et enfin JRTM. Plus tard, mon MJ sur Rêve de Dragon me fait vraiment découvrir et aimer le Roleplay. C’est mon premier vrai coup de cœur, peut-être plus dû au meneur qu’au jeu en lui-même. Pour finir, la première édition du Livre des 5 Anneaux (L5A) et ce système Roll’n keep gardent une place dans mon cœur (NDLR : Roll’n keep est le terme désignant une mécanique de jeu qui consiste à sélectionner une partie des dés lancés pour atteindre un niveau de difficulté). L5A est encore un des vieux jeux (relatifs) que j’ai plaisir à redécouvrir et faire jouer. En fait, je pense que s’il n’existait pas et qu’on ressortait la première version aujourd’hui avec un look plus moderne : ça ferait toujours un carton ! 

 

 Un de nos aînés rôlistique était le grand frère de notre MJ, estampillé FFJDR. Il nous a dit : “ADD, c’est pour les gros bill”, on n’y a jamais touché.

 

S.F. : Parlons un peu au relecteur. Ton nom s’affiche sur plusieurs de nos éditions préférées. C’est comment la vie de « moine copiste » ?

O.L. : Honnêtement : « C’est d’l’a balle ». Je suis enfermé chez moi, au milieu de mes JDR. Je les lis toute la journée. Comme je lis vite, j’en lis beaucoup et en plus, je suis payé pour le faire. C’est une vraie vie de moine copiste, oui. C’est royal. Pour relativiser, il y a aussi des inconvénients. Certaines œuvres sont un peu plus compliquées à relire. Je m’incline devant les auteurs qui maîtrisent à la fois l’élégance du style, la clarté de l’expression, la grammaire et l’orthographe.

 

S.F. : Et s’il fallait citer des coups de cœur ?

O.L. : Il y a des jeux que j’ai adoré relire : les différentes sorties Cyberpunk et aussi Troubleshooters, qui a été une excellente surprise. À la réception, j’étais sceptique. Je me demandais comment ce jeu pourrait tourner avec le parti pris de l’auteur. Et j’ai été surpris. D’ailleurs, s’il fallait illustrer une campagne cohérente avec son univers, ce serait « Le Mystère de l’U-Boot ». Tu ne peux pas la faire jouer sur un autre JDR que Troubleshooters. C’est une démonstration de la proposition originale et riche de ce jeu. Après, un jeu, pour moi, c’est un système bien adapté à un univers et une ambiance propres. Tu as des jeux qui s’inspirent d’une licence forte ou qui misent tout sur les illustrations et qui sont parfaitement creux.

 

Tu as des jeux qui s’inspirent d’une licence forte ou qui misent tout sur les illustrations et qui sont parfaitement creux.

 

S.F. : Parlons à l’Auteur : la saga Ombre Âge ; le supplément pour Mage intitulé Le Prix à payer et récemment cerveau du recueil de scénarios pour Role N’ Play ; auteur dans le projet Métro 2033… Ça fait quoi d’aligner des mots en sachant que, ce coup-ci, des gens risquent de les lire ?

O.L. : On peut ajouter le supplément Un éclat de lumière pour Métro 2033. J’ai un scénario dans le jeu GODS, « Gardez-moi de mes amis ». Je peux même vous donner une exclu : je rédige en ce moment une campagne pour Cyberpunk RED, que j’ai fait jouer à mon groupe de potes. Il faudra encore discuter des détails de l’édition (DLC gratuite, vrai supplément, voire supplément officiel…), mais ça devrait se faire.

Écrire n’est pas un problème. Ensuite, je suis très à l’aise avec le fait d’être relu. Autant quand je relis, je peux défier sur le ring grammaire à peu près n’importe qui ; autant quand j’écris, je reste modeste, ha ha ! En tapant ton texte, tu penses aux règles, aux scénarios, à l’univers, à mille autres trucs. Personnellement, j’accorde beaucoup d’attention à la musique de la phrase et à la fluidité du style. Et comme je suis monotâche, je peux en oublier la grammaire. Donc, il faut être vigilant, lire, relire et surtout être relu par d’autres. D’ailleurs, j’ai même mon relecteur attitré : Sébastien Mintoff. C’est lui que je réclame systématiquement. 

 

Autant quand je relis, je peux défier sur le ring grammaire à peu près n’importe qui ; autant quand j’écris, je reste modeste.

 

Phase 2 : « Olivier par la voix »

 

S.F. : Parlons à l’enseignant : Prof d’éloquence dans un institut universitaire, c’est un vrai métier ?

O.L. : Oui et Non ! Je pourrais en vivre si je voulais. En fait, je suis à la base professeur de littérature, j’ai enseigné les Lettres modernes dans le secondaire. Au sein de l’institut universitaire, j’enseigne d’ailleurs la littérature. Mon idée est d’offrir aux étudiants un panel général de la littérature, pour donner une culture générale et surtout le goût de la lecture classique. Parce qu’au fond, tout y est.

Pour l’éloquence, je m’occupe des étudiants de l’institut universitaire dans le cadre d’ateliers d’une demi-journée et j’interviens dans des écoles de commerce ou parfois des assos pour former à la prise de parole publique. Pour cette rentrée, j’aurai un cours à Sciences Po auprès des étudiants de deuxième année (j’y suis intervenu une fois ou deux auparavant, notamment comme jury de concours d’éloquence ou coach), on songe évidemment à l’étendre aux années suivantes si ça fonctionne.

Enseigner pourrait être un vrai métier à temps plein, mais je n’ai pas envie de ne faire que ça. J’ai besoin de porter toutes mes casquettes pour être moi !

 

J’ai besoin de porter toutes mes casquettes pour être moi !

 

S.F. : Une blague de prof : Le Kendo t’a-t-il servi dans ta pratique professionnelle quotidienne ?

O.L. : Bien sûr ! Mais si j’expliquais comment, je pourrais avoir des problèmes avec la justice. Plus sérieusement, je suis 2e dan de Kendo, mais je ne le pratique plus. Comme beaucoup de disciplines japonaises, c’est un art de la voie. Il faut s’y engager à fond et je n’ai pas cette culture, j’aime trop la vie pour me consacrer à une unique voie et renoncer aux autres. Désormais, je pratique le MMA et la musculation. J’ai un coach personnel qui me forme. Je suis avec attention les championnats (NDLR : Le MMA est d’ailleurs un des nombreux thèmes récurrents des émissions en direct avec la communauté). Enfin, pour être honnête, le sport a dû être mis de côté cette année. La création de la chaîne et les autres projets prennent beaucoup de temps. Mais mon envie, c’est d’y retourner au plus vite.  

 

S.F. : Parlons un peu aussi pour moi : tu as envisagé des cours de JDR ?

O.L. : Oui totalement ! Pour l’anecdote : quand j’avais 18 ans, avec un ami, on avait monté l’Université du JDR. Notre slogan était : « Parce que jouer est un art et que tout art s’enseigne ». On était jeune, on en tenait une bonne couche, mais je pense qu’il y a quelque chose à faire.

D’ailleurs, je pars bientôt à Yaoundé, au Cameroun, pour participer à la prochaine édition du festival « Pousse Pion ». Je vais y former des volontaires à l’art du jeu de rôle : des professeurs, des bibliothécaires, des poètes, des conteurs… Plusieurs éditeurs français se rassemblent dans une association : « Le Collège imaginaire des rôlistes itinérants ». Arkhane Asylum, Black Book Editions, Edge, les XII Singes et John Doe la soutiennent dans le but de promouvoir et diffuser le JDR de langue française dans toute la francophonie. Le but étant de diffuser le loisir, qui peut être perçu comme un nouvel art oratoire dans une culture traditionnellement marqué par le conte, le chant, la parole. Et si, demain, nous pouvions voir émerger des auteurs et artistes d’autres cultures dans nos jeux, ce serait formidable.

 

Pour l’anecdote : quand j’avais 18 ans, avec un ami, on avait monté l’Université du JDR. Notre slogan était : “Parce que jouer est un art et que tout art s’enseigne”.

 

S.F. : Parlons à l’homme de lettres : poésie, théâtre, littérature ; comment choisir ?

O.L. : À choisir, je dirais bien sûr la littérature, parce qu’elle englobe tous les autres. Mais je me sens poète. D’ailleurs, au XVIIe, dramaturges, auteurs d’essais, de satires, etc. étaient tous poètes. Personnellement, je serai toujours poète avant d’être romancier et auteur. Parce que la musicalité de la phrase et la puissance des images seront toujours mon obsession véritable.

 

La musicalité de la phrase et la puissance des images seront toujours mon obsession véritable.

 

Phase 3 : « Olivier par le Verbe »

            

 

S.F. : Parlons au vidéaste : VLTIMA VERBA, c’est venu d’où ? Et tu veux aller vers où ?

O.L. : Le choix du nom mélange plusieurs choses. Oui, il y a le poème de Victor Hugo qui témoigne de mon amour pour la poésie. Ensuite, derrière le sens de la formule, il y a une ambition : devenir le GOAT (Greatest Of All Time, le meilleur de tous les temps), comme on dit à l’UFC. Ce n’est pas pour rien que j’ai choisi l’or et le noir sur la tenue (NDLR Il arbore une tenue noire et or à l’occasion de l’entretien). Dans le MMA, le GOAT, est celui qui a le privilège de porter ces couleurs parce qu’il est reconnu comme le meilleur de la discipline dans sa catégorie. Si je devais avoir une ambition, ce serait d’être reconnu comme le GOAT du JDR. Pas forcément celui qu’on appelle dès qu’on a un projet JDR, mais, au moins, celui auquel on pense. Pour revenir à la poésie, la prose d’Hugo s’achève sur la phrase « et s’il n’en restait qu’un, je serais celui-là », c’est un autre signe.

VLTIMA VERBA, c’est aussi le choix d’un logo : un double V dont la couleur change selon les ambiances. Là encore les symboles sont pluriels comme je le suis, on peut y voir un livre ouvert, les ailes d’un oiseau, mes initiales même. Enfin, ce nom me permet d’avoir mon truc de gangsta, ha ha ! Ce petit geste avec les doigts que je fais avec beaucoup d’autodérision comme une version Lidl de JUL.  

 

Et puis, si les latinistes sont vigilants, ils notent que j’ai choisi la forme plurielle de l’expression ; sinon, cela aurait été Ultimum Verbum. ça me définit assez bien, et par conséquent, ça correspond bien à la chaîne. Je ne suis pas seul cependant. L’illustration du logo est une création de Gabriel Bulik. Et je ne serais rien sans le travail de Bruno notre « 9 fois champion du monde de modération sur Twitch » ; toujours à s’occuper du chat pendant les parties, et il y a Sandra, qui résume les parties pour les nouveaux arrivants.

 

Si je devais avoir une ambition, ce serait d’être reconnue comme le GOAT du JDR.

 

S.F. : Est-ce que, pour toi aussi, « qui n’a pas fait un stream JDR a 50 ans a raté sa vie ? »

O.L. : Question intéressante à laquelle je vais répondre « non ». Non, parce que le JDR que je préfère, c’est celui qui se fait sans caméra, avec des potes, autour d’une table. VLTIMA VERBA est un show. C’est un boulot à part avec ses satisfactions, ses victoires, mais aussi ses contraintes et ses sacrifices. Je me suis fixé une année pour faire le point. La date anniversaire de la chaîne arrive en octobre, le 15. J’ai fait des bilans en cours de route pour en voir la pérennité. Ma décision n’est pas arrêtée, je verrais au bout de la date fixée. Le format des émissions a déjà pas mal évolué depuis le début. Le Prime, émission mensuelle pendant lequel j’accueillais, en costume, les invités, demandait beaucoup de travail, des contraintes d’emplois du temps et des coups de fil. Puis, quand je reçois des invités, disons, moins médiatiques, je les traite comme les autres. Cela donnait un déséquilibre qui me dérangeait finalement.

Enfin, j’ai sur le feu des gros projets ambitieux pour la suite. Ils ne devraient pas influencer mon choix sur la poursuite de la chaîne. Ils pourraient néanmoins me faire évoluer dans d’autres dynamiques

Le 29 septembre, j’anime une partie d’Avatar : Légendes sur la chaîne Twitch de Joueur du Grenier. C’est un événement en lien avec Arkhane Asylum et le financement participatif de la version française du jeu (début de la campagne le 5 octobre sur Game on tabletop). La table va être incroyable : Angle Droit, Antoine Daniel, Mister MV et JDG, évidemment. Je file dès le lendemain à Octogônes où je coanimerai une table ronde autour du thème de l’immersion avec Michael Ghelfi. Et le 4 octobre, je reçois un immense invité ! Je suis tout particulièrement touché par sa venue que je teaserai dans quelques jours. Bref, les jours à venir vont être copieux !

 

Le JDR que je préfère, c’est celui qui se fait sans caméra, avec des potes, autour d’une table.

 

S.F. : Question « fan de… » ; quel effet ça fait d’être en tête à tête avec le microcosme du Twitch francophone ?

O.L. : Aujourd’hui, cela ne me fait rien de particulier. Les gens sont des gens. J’aime à le croire, en tout cas. Évidemment, pour le premier Prime avec Pressea, j’étais franchement stressé au début. Puis, une fois dans la partie, c’est passé. Les invités de l’émission cette année ont tous été super, très différents et j’ai eu plaisir à jouer avec tous. Cependant, j’ai envie de conseiller à tous ceux à qui ça pourrait arriver de prendre le temps que les gens de ce milieu leur donnent. Il ne faut pas penser que tu vas devenir ami avec quelqu’un qui a partagé une émission avec toi. Je ne te cache pas qu’au début, j’ai dû me canaliser, je suis très enthousiaste et facilement dans l’affect. En fait, l’univers de Twitch, c’est un milieu très professionnel. Tu fais ton émission, tu prends le moment qui t’est offert, il n’y aura probablement plus rien après. Tu peux avoir un coup de foudre relationnel et accrocher avec certains invités, mais c’est ne pas le but. Cela ne m’a pas empêché de faire d’incroyables rencontres aussi (Coco du Studio 4D2, Valentin de Geek Fabula, ou Ivractus qui sont des gens en or), mais ça aussi, c’est donné.

J’ai pu participer à des super projets, comme le dernier tournoi DICE 2023 organisé par Roll Or Die avec plusieurs chaînes Twitch francophones ; et l’évènement caritatif organisé par « Tables d’Azur » au profit de l’AFSEP pendant lequel on a pu lever des fonds au profit de l’accompagnement des sclérosés en plaques. Cette année presque révolue sur Twitch a été une incroyable aventure.

 

J’ai envie de conseiller à tous ceux à qui ça pourrait arriver de prendre le temps que les gens de ce milieu [Twitch] leur donnent. 

 

S.F. : Question « École des fans » ; ça fait quel effet quand, pour tes 40 ans, ta communauté se mobilise pour t’offrir une PlayStation 5 ?

O.L. : Ça, c’est juste incroyable et hyper émouvant ! Pendant les émissions, il y a beaucoup de moments où tu te sens seul. Tu fais ton émission, les spectateurs font peut-être autre chose en t’écoutant ; tous ne participent pas aux discussions… Et tout d’un coup, quelqu’un leur demande d’agir et ils répondent présents ! Bruno a proposé de faire une cagnotte et la communauté s’est mobilisée. C’est hyper touchant ! Ce qui a été encore plus touchant, c’est lors de l’émission de la Table d’Azur au profit de l’AFSEP, ils se sont mobilisés pour dépasser les dons attendus, en une seule soirée. J’ai une communauté formidable !

Quelque part, je me sens un peu privilégié. J’ai un passif pendant lequel j’ai mangé de la cendre avec mon pain. J’avoue avoir encore du mal à assumer la Joie. Parfois, je pourrais juste dire merci et en profiter, mais j’arrive encore à culpabiliser. C’est aussi pour équilibrer la balance que j’ai ce désir de rendre les grâces que j’ai obtenues.

Faisons le lien avec une des questions précédentes : si j’ai envie d’avoir une notoriété, d’être le GOAT, comme je le disais tantôt en plaisantant (à moitié) ce serait pour pouvoir présenter et accompagner plein de projets. Le Cameroun, les associations, et aussi les JDR qui méritent d’être mis en avant. J’aimerais tellement pouvoir inviter des mecs qui font des jeux originaux comme Argyropée ou Babel et les mettre sur le devant de la scène. Parce que, les jeux comme ça, c’est ce que j’aime dans le JDR et c’est ce qu’on devrait se mobiliser pour mettre en avant. Il y a tellement de projets qui sont survendus et qui se révèlent creux alors que des artisans bossent des années, ont un projet bouclé et original, mais qui ont du mal à trouver une visibilité. Je veux rééquilibrer la balance.

 

Il y a tellement de projets qui sont survendus et qui se révèlent creux alors que des artisans bossent des années, ont un projet bouclé et original, mais qui ont du mal à trouver une visibilité.

 

Phase 4 « Olivier, par-delà la lumière »

 

S.F. : Quel regard tu poses sur l’évolution du JDR ? Entre les passionnés qui rêvent ce nouvel âge d’or et ceux qui y voient une bulle sur le point d’éclater ?

O.L. : Prenons quelques exemples : Métro 2033 et Twilight : 2000 ont souffert du contexte. Twilight a été mis de côté en raison de l’éclatement de la guerre en Europe de l’Est. C’eût été très inélégant de lancer un jeu qui traitait du même sujet. Pour Métro 2033, nous avons eu un nombre hallucinant de problèmes. Déjà, plusieurs des illustrateurs sont russes, et il a été difficile, sinon impossible, de continuer à travailler avec eux. Ensuite, plusieurs auteurs ont dû jeter l’éponge pour de multiples raisons tout à fait légitimes et j’ai écopé de la quasi-totalité de l’écriture.

Je dirais qu’on vit un âge d’argent du JDR, peut-être pas d’or. Nous avons la médiatisation, l’intérêt du public et des éditeurs ambitieux. Par contre, je pense que c’est le début d’un déclin du financement participatif. Il y a trop de projets, trop de productions, toutes avec des niveaux de finitions très inégaux. On vit une belle époque, mais il faut juste être vigilant.

 

Je pense que c’est le début d’un déclin du financement participatif.

 

S.F. : Et, Olivier Larue, il se voit où dans dix ans ? En 2033 ?

O.L. : J’espère pas dans le Métro… J’espère que j’aurais fait le tour de l’univers du JDR et que je saurai où est ma place. En ce moment, j’ai mille casquettes, plein de projets et de métiers dans le jeu de rôle : relecture, écriture, création, show Twitch et bientôt plus. Dans dix ans, j’espère n’en avoir plus qu’une, celle qui me convient le mieux : ma place dans le monde.

 

Dans dix ans, j’espère n’en avoir plus qu’une, celle qui me convient le mieux : ma place dans le monde…

 

FINAL : Le jeu des deux choix

S.F. : C’est parti pour le petit jeu pour terminer ; les questions pièges. Je te laisse deux propositions : des noms, des personnages, des objets… Tu ne dois en garder qu’une et nous expliquer pourquoi. Tu peux botter en touche, mais il faudra que l’esquive soit belle.

 

Un choix facile, Aix ou Marseille ?

O.L. : Ai-je vraiment besoin de répondre ? Aix-en-Provence-la-Belle, à tout jamais !

 

Treize desserts provençaux ou pizza entre potes ?

O.L. : Treize desserts de Ouf ! Pour moi, c’est extrêmement important. Je l’ai fait de manière traditionnelle à Noël dernier et je veux en refaire une tradition familiale. En fait, c’est le sens de la chose qui me plaît ! L’ancrage dans la Provence séculaire, la famille, le partage, l’abondance et la Joie…

 

Casquette ou Borsalino ?

O.L. : Ah, les deux mon colonel ! Choisir, c’est renoncer ! Je ne renoncerai ni à l’une ni à l’autre.

 

Lire ou Relire ?

O.L. : Je dirais lire, parce que lire pour le plaisir, ça me manque ! Je n’ai plus le temps de lire pour moi ! Je passe mes journées à relire du JDR, c’est cool mais, quand vient le soir, je n’ai plus envie de lire.

 

Sur les planches ou face à la caméra ?

O.L. : Ah, sans hésiter les planches ! Chaque fois, le public est plus fort que la caméra. En fait, la caméra est un pis-aller. Être en contact avec les gens, c’est ce qu’il y a de mieux. Pourquoi pas faire des parties de JDR en public ? C’est une idée à développer.

 

Marcel Pagnol ou Frédéric Mistral ?

O.L. : Pagnol ! On aurait pu croire que j’aurais choisi le poète, mais je reste sur Pagnol. Et je n’en dirais pas plus.

 

JRR Tolkien ou GRR Martin ?

O.L. : G.R.R. Martin parce que, pour moi, Tolkien ne sait pas construire une histoire. Attention, je ne dis pas que c’est mauvais parce que le style est plus beau chez Tolkien que chez Martin. C’est la narratologie que je trouve poussive et ratée, chez Tolkien. J’ai un côté psychorigide dans ce domaine qui fait que quand le récit est mal construit, je n’aime pas ! Après, pour Martin, j’ai une nette préférence pour la version du premier traducteur, Jean Sola, parce qu’il donnait du souffle au récit. C’est un peu moins le cas par la suite.  

 

Tolkien ne sait pas construire une histoire.

 

Partie de Cyberpunk ou partie de Star Wars ?

O.L. : En ce moment, je serais Cyberpunk à fond : je joue à Cyberpunk 2077 en émission, je sors d’une campagne énorme avec mon groupe, je suis en train de la mettre par écrit… Par contre, repose-moi la question dans cinq ans, et je répondrais Star Wars. En fait, pour ces deux et pour d’autres, j’y reviendrai toujours : ils sont dans mon indétrônable top 5.

 

Apéro avec un vampire ou grillade avec un Loup-garou ?

O.L. : Je prendrais l’apéro avec un Vampire, en espérant qu’il soit bien vieux. Tu imagines, le gars est un livre ouvert sur l’histoire des époques qu’il a traversé ! Après, il risque de me finir pour l’apéro, mais ce n’est pas sûr. Alors qu’un loup-garou, le moindre faux pas et c’est moi la chipo…

 

Alain Damasio ou Pierre Bordage ?

O.L. : Ni l’un ni l’autre. Je n’ai lu que très peu de SF et de fantasy française. Ce qui me plaît dans la fantasy, c’est la maîtrise de la langue par l’auteur. Je reste attiré par la belle littérature dans un livre. En JDR, je préfère l’histoire et la narration. Puisqu’il faut choisir, je pense que je serais plutôt Damasio. J’ai vu un spectacle sur les Furtifs qui m’a donné très envie de lire tout le bouquin. Et puis je le reçois bientôt, mais chut…

 

En Guest, Alexandre Astier ou Alain Chabat ?

O.L. : Mon obsession de la vraisemblance m’empêche de choisir : dans quelle situation j’aurais à choisir entre les deux ? La réponse est compliquée : je pense que je préférerais Astier, mais je dirais Chabat. Astier, je lui ai écrit une épître, une fable et bientôt une ballade : et je n’ai pas eu de réponse ! Chabat n’a encore pas eu l’occasion de me vexer, ha ha !

 

Astier, je lui ai écrit une épître, une fable et bientôt une ballade : et je n’ai pas eu de réponse !

 

S.F. : Olivier Larue, une dernière punchline pour finir ?

 

Arrêtez d’acheter du JDR parce qu’il est beau, achetez-le parce qu’il est bon.

 

 

Olivier Larue sera à Lyon, au prochain festival Octogônes (29-01 octobre 2023), pour une table ronde avec Michael Ghelfi sur musique et éloquence en JDR.

 

Merci à Olivier pour les images illustrant la transcription de cet entretien.

Entretien réalisé en distanciel en août 2023

 

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Écrit par Sébastien Fajal

Professeur certifié de l'enseignement secondaire
Animateur de Club de Jeux de rôle
Auteur chez Casus Belli Magazine
Auteur chez d1000etd100

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