Suite de la rencontre avec Vivien Féasson, qui nous parle de « Exploirateurs de Bruines » son prochain livre, actuellement en précommande participative.
Il y aborde le cœur du jeu, ainsi que sa structure d’édition « les Éditions l’Averse », son travail avec le graphiste/illustrateur Willy Cabourdin, et ses envies de créations.
Pour la précommande c’est ici, elle se termine le 30 novembre : https://www.gameontabletop.com/cf412/exploirateurs-de-bruines.html
1ère partie de la rencontre : http://d1000etd100.com/rencontre-avec-vivien-feasson-pour-exploirateurs-de-bruines-partie-1/
Sturm : Tu as choisi une tout autre approche que sur tes précédents jeux, tu délaisses le système hérité du jeu Apocalypse World (pbta), pourquoi ?
Vivien : Ce qui m’intéresse c’est avant tout de rendre l’univers imaginé aussi « solide » que possible. Je veux dire par là qu’à l’aspect « drama » des jeux comme Apocalypse World (où ce qui compte en premier lieu c’est de produire une histoire pleine d’émotions), je veux substituer cette fois une « réalité virtuelle » (ça fait beaucoup de guillemets), un monde dans lequel tout est possible.
Cela permet de rendre crédible la dureté du monde des Exploirateurs.
On peut perdre son personnage à tout moment, et tant pis si dans les films ou les romans (et dans beaucoup de jeux de rôle) les héros doivent tenir jusqu’à la fin. Il arrive d’ailleurs très souvent dans les parties tests que les joueurs préfèrent quitter les lieux avant d’avoir tout exploré, par peur de voir leur alter-ego passer l’arme à gauche ! Je trouve cela intéressant de se détacher de temps en temps de nos pratiques pleines de héros immortels, surtout qu’ici on incarne des enfants : de leur point de vue, le monde est si impitoyable et dangereux !
Sturm : C’est sûr ! On sent bien que l’univers et le système font vraiment corps, et c’est assez intéressant de voir qu’en utilisant des mécaniques différentes, tu as gardé un lien de parenté entre les ouvrages. La présentation des archétypes ici, rappelle celle de Libreté.
Vivien : C’est voulu en effet ! J’ai réussi à caser trois archétypes de Libreté. La Brute comme équivalent du guerrier s’est imposée d’elle-même. Je ne voulais pas faire un mago et encore moins un prêtre à la D&D, du coup le Bizarre a vu ses « sortilèges » (appelés Dégoûtancetés) prendre une connotation assez répugnante.
C’était drôle de prendre la liste étendue des sorts OSR pour essayer de voir comment ça pouvait s’expliquer de façon organique. Quant au Chef, qui est celui qui redonne des points de vie et donne des bonus, il a demandé un peu plus de travail d’adaptation – c’est en gros quelqu’un qui motive les autres et leur rend leur énergie par la parole, et qui le soir au coin du feu lit des histoires à ses camarades. La Fouine enfin est l’équivalent du voleur, évidemment, même si elle est plus douée pour se faufiler discrètement et faire des cabrioles que pour désamorcer des pièges (on joue quand même des enfants !).
Sturm : Les fameux tests de résistances sont particulièrement travaillés et spécifiques à l’univers, sans être des « actions » type PBTA (système du jeu Apocalypse World), ils participent à l’immersion, tu peux nous en parler ?
Vivien : Les tests de Résistance sont un peu différents des actions de Libreté ; d’abord, la formulation est plus « enfantine », genre « J’suis pas tombé ! » (Ce serait à la rigueur à relier à mon premier jeu dans cet univers, Perdus sous la pluie, et son questionnaire).
On retrouve ensuite là, la philosophie « si l’idée est bonne, ça passe ». Je voulais que les personnages agissent et éviter ces moments en jeu de rôle où une action ratée mène à une impasse. Du coup, dans Exploirateurs une action plausible réussit forcément, au moins à un niveau élémentaire – tu peux taper la sirène de dix mètres de haut qui marche vers toi. Reste à voir ce qu’il va rester de ton personnage ensuite… Le but des joueurs étant d’annuler ce fichu test de Résistance. Ou de serrer les fesses en lançant le D20…
Sturm : Avec ce livre, le fond et la forme se rejoignent pour former en plus un très bel objet ! Est-ce la première fois que tu travaillais avec cet illustrateur ?
Vivien : Oui ! J’ai remarqué Willy Cabourdin en tombant sur Inflorenza Minima, livre de Thomas Munier que j’avais trouvé magnifique visuellement. J’avais aussi aimé le côté punk de ses travaux non-rôlistes, aussi l’avais-je contacté pour savoir si cela l’intéresserait de travailler avec moi. Quand j’ai eu un projet assez avancé pour savoir qu’il verrait le jour, projet qui allait de plus dans le sens de cette esthétique globale (je vois un peu Exploirateurs comme mon jeu le plus punk justement, avec ses règles éparpillées, ses persos qui en prennent plein la figure, son style d’écriture…), je suis revenu vers lui et voilà ! Nous nous sommes associés.
Sturm : Comment avez- vous bossé ensemble sur la mise en page?
Vivien : Si j’ai eu mon mot à dire sur la mise en page et si le texte a une influence sur la forme, c’est essentiellement lui qui a produit cette magnifique maquette, avec ces retouches photographiques et ces fonds à moitié constitués de dessins d’enfants retravaillés (et on trouve même quelques emprunts à mes jeux précédents, avec l’accord de leur auteur à savoir Mathieu Chevalier).
C’est à cause de lui si on se retrouve à produire un livre tout en couleur, beaucoup plus cher à imprimer : lui était prêt à convertir en noir et blanc, mais franchement ça m’aurait crevé le cœur d’effacer cet aspect de son travail !
Sturm : Je suis bien d’accord ! Il y a comme une impression de point d’orgue avec « Exploirateurs de Bruines » ? C’est une forme d’aboutissement de ton travail dans cet univers, faut-il s’attendre à ce que tu continues de l’explorer ?
Vivien : Déjà Exploirateurs est un essai dans un style totalement nouveau : j’avais pris l’habitude de produire des jeux à systèmes, avec un univers peu décrit. Là il a fallu réapprendre : comment fait-on un scénario ou, plutôt, un donjon ? Comment garnit-on une table aléatoire avec 100 idées quand on a l’habitude de broder sur une idée par paragraphe ? C’est très formateur mais épuisant (d’où le temps de développement – ça fait quoi, deux ans que j’écris ?) Par contre je sens l’aboutissement au niveau du style. J’ai ressenti le besoin dans mon travail d’apporter une dimension « artistique », subjective, à ma manière d’écrire, quand souvent cette dimension est dévolue aux illustrateurs. J’ai donc voulu pousser les curseurs beaucoup plus loin que Libreté sans pour autant perdre les lecteurs. Un exercice d’équilibriste très gourmand en temps et en relectures, mais qui je pense a réussi. A part sur les futures productions pour Exploirateurs, je ne pense pas aller plus loin dans ce sens.
Est-ce que je continuerai à l’explorer ? Aucune idée. Sans doute, mais peut-être qu’avoir des bruines à écrire occupera ce besoin ? Pour la première fois depuis longtemps, j’ai des projets en tête qui ne seraient pas dans le même univers.
Sturm : Tu changes d’éditeur pour l’occasion, et tu crées même ta propre structure d’édition : “Editions l’Averse”, quelles sont les raisons/envies qui te poussent à prendre ce chemin ?
Vivien : J’ai beaucoup aimé travailler avec Sycko et je continuerai pour tout ce qui touche à Libreté, mais l’économie actuelle du jeu de rôle, surtout indépendant, demande des sacrifices financiers.
A mon niveau, la somme de travail abattu sur les financements de Libreté et De Bile et d’Acier était déjà telle que j’ai décidé de m’occuper du reste pour pouvoir reporter les économies faites ainsi sur la qualité du livre. Dans le cadre du système (spécifique à Sycko) de “L’Homme orchestre” j’étais, de plus, responsable financièrement des éventuels échecs de mes financements, le stress était donc déjà bien là (même si j’avoue que la surcharge de travail n’est pas faite pour améliorer mon quotidien !)
J’ai également des projets de traduction à moyen terme qui pourront se débloquer si l’essai Exploirateurs se révèle concluant, et aimerais peut-être par la suite produire des projets d’autres personnes qui me passionneraient. Mais ceci est une autre histoire…
Merci beaucoup Vivien et le meilleur pour la sortie du livre et pour ce financement, qui a déjà atteint de nombreux paliers !!
Les infos :
Site de l’auteur : http://www.vivienfeasson.com/
Site de l’illustrateur : http://www.willycabourdin.com/
Page du financement : https://www.gameontabletop.com/cf412/exploirateurs-de-bruines.html
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